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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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l’évêque, ils
lèveront des milliers d’hommes !
    — Et faute de quoi, me demanda Alfred, que
lui arrivera-t-il ?
    — Elle sera humiliée. (En vérité, Æthelflæd
aurait peut-être trouvé le bonheur avec Erik si la rançon n’était point payée, mais
je ne pouvais guère le dire. Je préférai rapporter le sort que Sigefrid avait
dit lui réserver.) Elle sera emmenée partout chez les Norses et mise à nu sous
les quolibets des foules.
    Alfred frémit et je continuai sans remords :
    — Puis elle sera livrée comme putain aux
plus offrants.
    Æthelred fixa le sol tandis que les clercs se
taisaient.
    — C’est la dignité du Wessex qui est en
jeu, observa calmement Alfred.
    — Des hommes doivent donc mourir pour la
dignité du Wessex ? demanda Erkenwald.
    — Oui ! s’emporta soudain Alfred. Un
pays est son histoire, évêque, la somme de toutes ses légendes. Nous sommes ce
que nos pères ont fait de nous, leurs victoires nous ont donné ce que nous
possédons, et tu voudrais que je laisse à mes descendants l’histoire d’une
humiliation ? Que des hommes racontent que le Wessex fut la risée de
païens hurlants ? Une telle histoire, évêque, ne s’éteindrait jamais, et
dès lors quiconque penserait au Wessex songerait à sa princesse exhibée nue
devant des païens. Quand ils penseraient à l’Angleterre, c’est l’image qu’ils
verraient !
    Voilà qui était intéressant. Nous utilisions
rarement ce nom à l’époque : Angleterre. C’était un rêve, mais Alfred, dans
sa colère, avait levé le voile sur son rêve et je savais qu’il voulait que son
armée pousse au nord, toujours au nord, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de Wessex,
d’Estanglie, de Mercie ou de Northumbrie, mais seulement une terre, celle des
Angles. L’Angleterre.
    — Seigneur, dit Erkenwald avec une
humilité peu coutumière, je ne sais pas s’il restera un Wessex si nous payons
les païens pour qu’ils lèvent une armée.
    — Lever une armée prend du temps, répliqua
Alfred, et nulle armée païenne ne peut attaquer après les moissons. Et une fois
la moisson engrangée, nous pourrons lever la fyrd. Nous aurons des hommes à
leur opposer. (C’était vrai, mais la plupart seraient des paysans, alors que
Sigefrid aurait avec lui des Norses hurlants et avides, élevés l’épée au poing.
Alfred se tourna vers son gendre.) Et j’attends que la fyrd de Mercie du Sud
soit à nos côtés.
    — Elle y sera, seigneur ! s’exclama
Æthelred.
    Il ne montrait plus le moindre signe de la
maladie qui l’avait accablé la dernière fois que je l’avais vu. Les couleurs
lui étaient revenues, tout comme son assurance.
    — Peut-être est-ce la volonté de Dieu, reprit
Alfred pour Erkenwald. Dans Sa miséricorde, Il a offert à nos ennemis la
possibilité de se rassembler par milliers afin que nous puissions les vaincre
dans une grande bataille. Le Seigneur est avec moi, dit-il fermement. Je ne
craindrai point !
    — La parole du Seigneur, répondit Asser
en se signant.
    — Amen, dit Æthelred. Nous les vaincrons,
seigneur !
    — Mais avant que tu remportes cette
grande victoire, lui dis-je avec un malin plaisir, tu as un devoir à accomplir.
Tu devras livrer en personne la rançon.
    — Par Dieu, je ne le ferai point ! s’indigna
Æthelred.
    Il croisa le regard du roi et s’affaissa sur
son siège.
    — Et tu devras t’agenouiller devant
Sigefrid, ajoutai-je, retournant le couteau dans la plaie.
    Même Alfred parut consterné.
    — Sigefrid exige cette condition ?
    — En vérité, seigneur, et j’ai eu beau
arguer et supplier, il n’a point fléchi.
    Æthelred me fixait, horrifié.
    — Qu’il en soit ainsi, dit Alfred. Parfois,
le Seigneur demande plus que nous ne pouvons supporter, mais pour Sa gloire
nous endurerons.
    — Amen, acquiesçai-je avec une ferveur
qui me valut un regard sceptique du roi.
    Ils parlèrent durant deux heures et ce fut
bien inutile. Il fut question de la manière dont l’argent serait amassé et
transporté à Lundene puis à Beamfleot. J’exprimai quelques suggestions et
Alfred prit des notes dans les marges d’un parchemin. Et tout cela n’allait
servir à rien, car si je réussissais aucune rançon ne serait versée, Æthelflæd
ne reviendrais jamais et le trône d’Alfred ne serait pas ébranlé.
    Et c’était à moi de parvenir à tout cela.
    En une semaine.

11
    La dernière lumière du jour venait de s’éteindre,
une nouvelle

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