Le dernier vol du faucon
le lever du soleil. Il dit que c'est le meilleur moment de la journée pour réflé-
chir. » Mark porta son regard vers la fenêtre. « Il fait jour maintenant, il ne devrait pas tarder. »
Sunida l'observa avec douceur. «Vous parlez bien le siamois. Etes-vous ici depuis longtemps?
- Quelques jours seulement. Mais j'ai un bon professeur et le désir d'apprendre.
- Je suppose que vous avez hérité des dons de votre père. Ainsi, la petite Sup... »
Elle se mordit la langue avant d'avoir prononcé le nom de sa fille. Il pourrait se révéler inopportun d'apprendre au jeune homme l'existence d'une petite sœur.
« Avez-vous des enfants avec mon père ? » demanda Mark comme s'il avait deviné la cause de son embarras.
Sunida se figea, cherchant désespérément la bonne réponse. Elle ne voulait pas lui mentir. Après tout, il était le fils de son maître. Mais que dirait Vichaiyen s'il découvrait qu'elle avait trop parlé? Ne lui avait-il pas dissimulé pendant des années l'existence de ce garçon ?
«C'est une question que vous devrez poser à votre honorable père, finit-elle par dire.
- Encore une ? »
Mark la regarda en souriant. Il connaissait la sévérité et la rigueur des règles hiérarchiques au Siam, mais c'était autre chose que de s'y trouver confronté. S'il demandait à Sunida ce qu'elle pensait de ce magnifique lever de soleil, le renverrait-elle à nouveau à son maître au lieu de répondre ?
«J'ai toujours désiré avoir des frères et des sœurs, dit-il en l'observant attentivement. Je suis fils unique et j'ai été solitaire toute ma vie. »
Elle garda un visage impassible. Manifestement, ce garçon était aussi intelligent que son père, mais elle n'allait pas tomber dans le piège et lui dire la vérité.
Une voix féminine se fit soudain entendre dans le corridor. Sunida, affolée, reconnut l'accent d'une voix farang.
«Je dois partir, dit-elle vivement.
- Restez, je vous en prie, supplia Mark en se pla-
çant sur le chemin de la porte. Il faut que vous rencontriez ma mère. »
Au même instant, Nellie pénétra dans la pièce. Ne pouvant s'échapper, Sunida se prosterna front contie terre, mais Mark l'obligea à se relever sous le regard stupéfait de Nellie. Tête baissée, Sunida demeura debout devant elle. Malgré son désir de s'en aller aj plus vite, la curiosité fut la plus forte et elle coula u i regard vers la mem. Quel teint superbe elle avait ! Plus blanc que le riz! Et ses cheveux... On aurait dit la couleur du soleil levant. Sunida n'avait jamais rien vu d^ semblable. C'était une grande femme, aussi grand.? que Sunida qui, pourtant, dépassait largement les autres Siamoises.
Son esprit lui commandait de partir, mais ses jambes se refusaient à bouger. Il y avait quelque chost de fascinant chez cette femme farang. Elle était telle ment différente de dame Maria.
« Mère, je te présente la seconde épouse de mor père. Elle s'appelle Sunida.»
Les yeux de Nellie vacillèrent quelques secondes. Puis, aussi calmement que possible, elle examina Sunida avec une expression de bienveillance.
Tandis que la mère et le fils échangeaient quelques paroles, Sunida se sentit aussitôt ragaillardie. Elle ne comprenait pas un mot de ce qui se disait, mais elle était sûre que le garçon avait parlé gentiment d'elle. Il devait avoir expliqué à sa mère qui elle était. Apparemment, la mem ne paraissait pas s'en émouvoir. Était-il possible que des femmes farangs puissent comprendre qu'un homme ne se satisfasse pas d'une seule compagne? Existait-il des femmes farangs qui pensaient différemment de dame Maria? Son excitation s'accrut quand elle vit la mem lui adresser son plus radieux sourire. Instinctivement, elle se sentit attirée vers cette étrangère. Malheureusement, elle semblait ignorer le siamois, contrairement à son fils.
«Ma foi, on ne peut pas reprocher à Constant de manquer de goût», déclara Nellie.
Elle aussi, pour quelque inexplicable raison, se sen-tait attirée par Sunida. «Une seconde épouse, as-tu dit? demanda-t-elle à Mark. Crois-tu qu'elle ait des enfants ? »
Mark sourit. «C'est une question qu'il te faudra poser à mon père.
- Que veux-tu dire ?
- Je le lui ai demandé, mais elle n'a pas voulu me répondre. On dirait qu'elle a peur.»
Nellie se mit à rire. «Elle n'a rien à craindre de moi. Peux-tu le lui expliquer?» Elle sourit une nouvelle fois à Sunida pour l'encourager et fit le geste de bercer un enfant
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