Le glaive de l'archange
peut-être besoin un jour.
Le comte Hug de Castellbo avait fouillé le village – cinq ou six masures adossées aux murs du château –, puis la campagne jusqu’à Gérone, mais ce fut Don Aymeric et ses hommes, aidés de l’odorat perçant de Petronella, qui retrouvèrent la nourrice, Maria. Elle gisait dans un creux, non loin de la route, dissimulée par de hautes herbes. Elle avait la gorge tranchée. À côté d’elle reposait un baluchon. Le châtelain, Don Aymeric, le ramassa et l’ouvrit : il contenait des vêtements d’enfant, du pain et des fruits.
Le veneur du châtelain montra les vêtements.
— On dirait qu’elle a envisagé de s’enfuir et d’emmener l’enfant avec elle.
— En compagnie de Jaume ? fit Don Aymeric. Je ne puis y croire.
Le veneur secoua la tête d’un air dubitatif.
— Si Jaume a fait cela, on trouvera sur lui des marques d’ongles et de dents, dit-il sobrement. Maria n’était pas douce. Quelques-uns des hommes ici présents l’ont appris à leurs dépens le jour où ils ont mis la main sous ses jupes.
— Aucun signe de l’enfant ? demanda le châtelain, dont le visage n’exprimait rien.
Plus les recherches se poursuivaient, des berges aux bois en passant par les autres parties de son domaine, plus son apparence se figeait dans le désespoir.
— Señor ! appela une voix depuis la route. J’ai trouvé quelque chose.
C’était Miquel, le palefrenier, parti à la recherche de Jaume, le valet d’écurie. Il tendit la main et montra un jouet.
— Un petit cheval ? interrogea Don Aymeric.
— C’est moi qui l’ai sculpté dimanche, dit Miquel. Et je l’ai offert à l’infant Johan.
Le châtelain se tourna vers son veneur.
— Est-ce que tout le monde sait qui est cet enfant ? demanda-t-il calmement.
— Je le crains, señor. Maria a bien essayé, mais elle avait trop l’habitude de l’appeler Johan. Nous avons rapidement compris qui il était.
Le châtelain s’intéressa à nouveau à son palefrenier.
— Il aime les chevaux, dit celui-ci. Je l’ai emmené chevaucher sur le poney gris. J’ai sculpté ceci quand il était malade, pour lui rappeler son poney.
— Merci, Miquel. Tu as de bons yeux et un grand cœur, dit le châtelain, désespéré. Je dois à présent me rendre à Barcelone pour prévenir Sa Majesté.
— L’un de nous va vous accompagner, señor, dit le veneur.
— Non, dit le châtelain en secouant la tête. C’est à moi seul que l’on a confié le prince.
CHAPITRE V
Pedro, roi d’Aragon et comte de Barcelone, était assis dans une salle privée du palais de cette ville côtière, en consultation avec l’un de ses ministres. Il caressait son nez à l’arête bien marquée – le nez de Charlemagne, aimaient à lui répéter ses courtisans les plus flagorneurs – et écoutait le personnage soucieux installé sur une chaise, tout au bout de la table.
— Il est au palais à présent, sire. Avec une escorte d’une douzaine d’hommes dans la cour, et au moins cinquante chevaux et fantassins à la limite de la ville.
— Vous vous inquiétez trop, Arnau. Pourquoi notre frère ne viendrait-il pas à Barcelone nous rendre hommage ? demanda Pedro, le sourcil levé d’un air sardonique.
Son ministre grogna in petto.
— Don Fernando n’a pas toujours été l’ami de Votre Majesté, reprit-il, en énonçant l’évidence. Cette visite pourrait receler quelque danger à l’encontre de votre personne.
— Mon cher Arnau, soit vous me prenez pour un sot…
Sa voix allait déclinant.
— Sire, je sais que vous n’êtes pas un sot, s’empressa de dire Arnau.
Il ne mesurait que trop bien à quel point c’était vrai. Il transpirait un peu en dépit de la brise de fin d’après-midi qui rafraîchissait la salle. En silence, avec ferveur, il priait pour le retour miraculeux au pays de Don Bernat de Cabrera. Le roi était entêté, mais au moins écouterait-il Don Bernat.
— Nous n’avons pas vécu tout ce temps sans nous rendre compte des sentiments de Don Fernando, Arnau. Le royaume ne s’écroulera pas parce que deux frères se rencontrent. Nous recevrons Don Fernando, prendrons des nouvelles de la santé de sa mère et lui souhaiterons un excellent voyage en enfer ou là où il choisit de se rendre. Vous ne serez pas exilé sur vos terres pour avoir failli à nous protéger. Je suis au courant des ordres que vous avez donnés, voyez-vous.
Un sourire flottait sur ses
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