Le loup des plaines
arcs vers Temüdjin,
le contraignant à se mettre à couvert d’un bond. Un guerrier se rua sur lui, courbé
sur l’encolure de son cheval, et lâcha sa flèche. Temüdjin roula sur le sol, le
trait passa en sifflant au-dessus de sa tête. Il se releva, le sabre brandi, et
sa lame perça le ventre du Tatar. Heurté au passage par le poitrail du cheval, le
jeune khan tomba sur le dos. Étourdi, il se remit debout, regarda autour de lui.
Les Tatars avaient perdu beaucoup d’hommes, mais ceux qui
avaient survécu sillonnaient le camp à la recherche de proies. La plupart
avaient délaissé leur arc et saisi leur sabre pour le combat rapproché. Temüdjin
en vit deux diriger leurs montures vers Arslan et il se baissa pour ramasser
sur le sol son arc et ses flèches. La première qu’il toucha était brisée, les
autres dispersées. Il finit par en trouver une après une recherche frénétique. Entendant
sa mère crier, il se retourna, vit Börte jaillir d’une tente et se précipiter
derrière la petite Temülen. La fillette courait, prise de panique, et ni l’une
ni l’autre ne virent le Tatar qui fondait sur elles. Temüdjin dut faire un
choix, mais Arslan était armé, prêt à recevoir ses assaillants. Il prit sa
décision.
Le jeune khan banda son arc, visa le guerrier solitaire qui
galopait vers Börte. Un soudain grondement de sabots l’avertit qu’un autre
ennemi se ruait sur lui, levant déjà son sabre pour lui trancher la tête. N’ayant
pas le temps d’esquiver, Temüdjin se laissa tomber à genoux. La flèche glissa
sur le sol, inutile. Puis il reçut sur le crâne un coup assez fort pour
ébranler le monde et il s’écroula.
Jelme rejoignit son père alors que les deux Tatars
arrivaient sur lui.
— Va à gauche ! lança le forgeron à son fils en
faisant lui-même un pas vers la droite.
Comme le père et le fils avaient attendu le dernier moment
pour bouger, les Tatars ne purent corriger leur course. La lame d’Arslan trouva
le cou du premier tandis que Jelme décapitait presque l’autre. Les deux Tatars
moururent en selle, leurs chevaux continuant à galoper au hasard.
Le chef tatar n’avait pas survécu au premier assaut des
barrières et il ne restait du groupe qu’une dizaine d’hommes. Le camp étant
adossé à une colline, ils ne pouvaient en ressortir et ils tournaient en rond, sabrant
tout ce qui se trouvait à leur portée. Deux d’entre eux, désarçonnés, furent
criblés de coups de couteau et se tortillèrent sur le sol en hurlant. L’attaque
avait échoué et tournait au désastre sanglant. Les quelques survivants, courbés
sur leurs selles, tentaient de repartir par où ils étaient venus.
Arslan en vit un se diriger vers lui et se tint immobile sur
le chemin du cheval, prêt à tuer de nouveau. Au dernier moment, il aperçut le
corps d’une captive en travers de la selle et retint son coup. De sa main
gauche, il tenta de libérer Börte mais ses doigts ne saisirent qu’un morceau de
tissu. L’homme était passé. Khasar courait derrière, une flèche sur la corde de
son arc.
— Non ! lui cria Arslan. Attends !
L’ordre claqua dans le camp soudain silencieux après la
fuite des Tatars. Six d’entre eux seulement avaient réussi à s’enfuir et le
forgeron courait déjà vers les chevaux.
— En selle ! cria-t-il. Ils ont une des femmes !
En selle !
Il chercha Temüdjin des yeux, le découvrit gisant sur le sol,
entouré de cadavres. Un cheval à la jambe cassée tremblait près de lui, les
flancs couverts d’une écume blanchâtre. Arslan repoussa le corps de l’animal
pour s’agenouiller devant le jeune homme qu’il avait sauvé des Loups.
La tête de Temüdjin reposait dans une flaque de sang. Le
cœur serré d’angoisse, Arslan tendit la main vers la plaque de chair arrachée
au crâne de son ami. Il faillit pousser un cri de joie en constatant que du
sang en coulait encore.
— Il est vivant, murmura-t-il.
Il porta le jeune khan inconscient sous une tente tandis que
Khasar et Kachium passaient au galop, accordant à peine un regard à la forme qu’il
portait dans ses bras. Ils avaient le visage assombri par la colère et Arslan
songea au sort qui attendait les Tatars qui leur tomberaient sous la main.
Le forgeron avait confié Temüdjin aux soins de sa mère. Dans
la tente, la petite Temülen pleurait. Hoelun leva les yeux de l’aiguille et du
fil qu’elle tenait près de la tête de son fils.
— Console ma fille,
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