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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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à nier les évidences.
    – Ma rigueur vaut mieux que les fables que vous sassez et ressassez !
    – Vous traitez de fables ce qui dépasse votre entendement !
    – Monsieur le savantas, reprit le chevalier, je connais mon catéchisme aussi bien que vous-même, mais moi je n’ai pas de détour pour appeler chat, un chat.
    – De détour ! se récria l’abbé, vraiment, la turlutaine ! Mais moi, monsieur le capitan, je ne suis pas un bœuf qui piétine les plates-bandes de la pensée en désirant d’aller toujours droit devant moi.
    L’aîné des Thésut vint se poster au milieu du salon.
    – Et, mille poudrières ! rugit-il en tendant un poing rageur… Plutôt que de poursuivre sur ce ton inepte, je descends au bureau voir si l’on y travaille.
    Il s’empara d’une seconde canne accrochée à une panoplie près d’une porte.
    – Vous sortez ainsi ? s’inquiéta l’abbé en considérant son aîné dont le drôle de manteau balayait le parquet.
    – L’attaque de nuit surprend le dragon en chemise ! maugréa le vieux soldat avant d’ajouter claquant la porte : je n’affecte point les manières bourgeoises, moi, monsieur !
    – Omnia vincit lux 128 ! s’exclama l’abbé en trépignant de joie, convenez-en, monsieur de Gironde, mon raisonnement était le plus fort.
    Toujours sous l’effet d’une prodigieuse jubilation, il installa son nouveau protégé, médusé, devant un cartonnier que garnissaient aux quatre coins des têtes en bronze de Mercure au petit chapeau.
    – Ce sera votre bureau, entre mon frère et moi ; plus près de moi que de mon frère, précisa-t-il, car je vous le dis en secret et – vous venez d’en être le témoin – il faudra apprendre à vous défier des idées extravagantes qui viennent parfois lui traverser l’esprit. D’une façon plus générale, sachez que les soldats ne devraient être fondés à intervenir qu’après que toutes les voies de l’intelligence se soient avérées obstruées. Mais, j’en viens à votre travail. Il ne sera question pour vous au départ que de parcourir certains des dossiers qui remontent ici, en faire la note de synthèse et nous les transmettre selon l’ordre d’urgence que vous fixerez vous-même.
    – Et que sont ces dossiers ? demanda Victor.
    – Les cas épineux qui naissent dans les domaines, les nominations religieuses, civiles et militaires qui s’attachent aux fiefs et qui sont à la discrétion de Son Altesse, les baux des fermiers et les affaires qui ressortent de la justice féodale… Lorsque vous serez aguerri à ce fatras, nous vous initierons à ce que nous nommons notre Drageoir aux Épices.
    L’abbé, tout en parlant, les poings dans les poches de son habit déboutonné, avait fermé un œil pour mieux contempler, à l’aide de celui qui restait grand ouvert, le prodigieux effet de ses paroles. Victor, en effet, secoué jusque dans la torpeur inquiète qui le tenait depuis la veille, l’avait écouté avec la tentation de voir flotter au pourtour de ses lèvres les fumerolles d’un poison.
    – Savez-vous ce qu’est le secret de la confession ? reprit Thésut prolongeant son attitude grandiloquente par un tremblement de tout son être. C’est un contrat terrible ! un confesseur ne parle jamais, même lorsque le bourreau s’apprête à lui percer la langue…
    Alignant ces mots terribles, il fit mine de se coudre la bouche.
    – C’est la même chose ici. Rien de ce qui se dit ou s’écrit à cet étage ne doit transpirer. Une seule indiscrétion et vous perdriez sans retour notre confiance !
    Pour asséner cette ultime menace, il s’était dressé sur ses escarpins, levant le bras tel Jupiter brandissant la foudre et faisant saillir ses mollets maigres de dessous ses bas noirs.
    Victor, le regardant avec hébétude, se pénétra de l’annonce du châtiment et de son implacabilité.
    – Voilà ! lança l’abbé en se détendant soudain pour reprendre son bon visage, vous venez de vous voir livrer les principes qu’il faudra appliquer sans faillir pour qu’on soit satisfait de vous chez nous. Je ne vous retiendrai pas plus pour cette première journée car la pédagogie saine n’est jamais celle qui boursoufle l’esprit. Je vous charge d’aller engranger cette moisson, de la méditer… de retrouver un peu de calme avant de recevoir demain quelques dossiers qu’accompagneront mes premiers commentaires.
    Celui à qui s’adressait la recommandation, sidéré du brusque empressement de son maître

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