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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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tous ceux qui manquaient à l’appel : madame de Fontalon flanquée de sa nièce, le père Grésil et, venant sur leurs talons, le duc et la duchesse de Saint-Simon.
    Victor, tournant son regard du côté du salon malachite bondé par l’afflux des visiteurs pressés par les valets, le fixa sans pouvoir l’en détacher sur la jeune fille qui venait de sortir de l’ombre de sa tante. Même, par cet effet de trompe-l’œil que provoque la splendeur en captant l’éclat des objets alentour, il ne vit à peu près paraître qu’elle. Pareille à la statue parfaite qui désespère le plagiaire par quelque inimitable bizarrerie, la nouvelle venue se parait d’une beauté tendant à l’envoûtement par l’irrégularité de deux ou trois détails. Sous des cils effrontément recourbés, ses yeux vert de jade disaient son esprit, son front rebombé et son port de reine appuyaient son farouche et sa superbe.
    Le vidame, qui avait surpris l’expression de son ami resté bouche bée à la vue de cette splendeur, s’empara du bras de celui-ci pour le pousser devant le front des convives.
    Lorsqu’il eut achevé les présentations avec sa grâce accoutumée et que madame de Fontalon, restée un moment à gazouiller gentiment des cancans, se fut envolée dans un ramas de foulards vers son hôtesse, sa nièce se retrouva seule face aux garçons.
    – Diane de Solsac ! annonça Jean-Hercule en s’inclinant par raillerie, la muse des réunions secrètes que tient le parti du Salut Ardu dans cet hôtel…
    – Du Salut Ardu ! répéta Victor tandis que Diane pouffait.
    – Oui, reprit le vidame, c’est ainsi, par dérision, puisqu’on ne cesse d’y professer qu’il est presque impossible d’échapper à l’Enfer, que nous nommons entre nous le cénacle augustinien 130 .
    Troublé par son coup d’œil où flambait le soleil de la grâce, Victor lui prit distraitement la main pour la porter à ses lèvres.
    – Je suis encore fille, pépia-t-elle en repliant prestement son bras et en partant d’un grand rire.
    – Excusez ma maladresse ! murmura le nouveau pensionnaire de l’Hôtel Davignon qui sentait le rouge lui monter aux joues, je ne suis qu’un paysan.
    – Déjà bien trop urbain pour qu’on vous croie ! répliqua Diane appliquant sur le taillis de crins et de dentelles dans lequel disparaissait le neveu de ses hôtes un regard du haut en bas, plus propre par sa fougue à provoquer des troubles que la fameuse poussée d’Archimède.
    – Je vous en prie, madame, supplia Victor, déployant d’un coup tout le velours de ses yeux tristes, n’ajoutez pas vos railleries à ma confusion !
    Elle dessina dans l’air avec son éventail une sorte de virgule pour signifier qu’elle n’y mettait pas malice.
    – Et de quelle province tombez-vous ? demanda-t-elle sans répit sur ce ton de sarcasme dont Victor comprit vite qu’elle ne se départissait jamais.
    – Du Rouergue !
    – Qu’est-ce donc le Rouergue ? gloussa-t-elle.
    – C’est au sud de l’Auvergne…
    – Ne répondez pas ! souffla le vidame, vous voyez bien qu’on se moque de vous.
    Ayant ainsi murmuré, sans l’avoir donné à paraître, il se tourna vers Diane qu’il nappa jusqu’à l’éblouir de son sourire paisible.
    – Eh ! comment ? Vous si savante ! Vous qui avez dévoré des bibliothèques dans votre enfance tandis que vous gardiez vos dindons, vous ne savez pas où se trouve le Rouergue.
    L’œil de la belle se mit pour le coup à jeter un feu plus cruel que celui prêté par quelques peintres expressifs à sa patronne, la chasseresse.
    – Vous l’ignoriez sans doute mais j’ai aussi gardé des ânes ! répliqua-t-elle piquée.
    – Depuis quelques secondes que je vous connais, s’enhardit Victor, je ne crois pas que vous ayez été sérieuse.
    – Sérieux, le vidame l’est pour tous ceux qui ne le sont pas ! reprit-elle avec humeur, voilà la patine que confère le séminaire et l’effet désastreux du sentiment chrétien !
    – Vous voici bien remontée, remarqua celui à qui s’adressait la sortie en conservant la même impavidité de figure.
    Elle lui répondit par une œillade triste qui la fit devenir touchante.
    – Je suis à vrai dire sur des charbons ardents, avoua-t-elle. Il s’agit de Gabriel, je vous en dirai deux mots tout à l’heure.
    Elle se tourna vers Victor pour ajouter :
    – On vient de vous le dire, je suis née loin d’ici moi aussi. J’ai vraiment gardé des dindons et des ânes en compagnie

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