Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
déployait
devant elle et qu’elle dominait, la chambre étant située au quatrième étage.
    Elle écoutait cependant les propos qu’échangeaient
à mi-voix Erwin von Weibnitz et Thaddeus Rosenwald.
    Ces conversations devaient rester secrètes.
    Lloyd George voulait constituer un front uni
contre la Russie afin de forcer celle-ci à rentrer dans le droit commun, à
renoncer à ses ambitions et à sa propagande révolutionnaires. Les Russes, eux, entendaient
empêcher Lloyd George de réussir.
    Thaddeus Rosenwald était convaincu que si le
gouvernement allemand haïssait les bolcheviks de toute son âme, ses intérêts et
la situation internationale ne l’en poussaient pas moins à un accord avec la
Russie soviétique.
    « Il faut qu’Erwin von Weibnitz soit l’agent
de notre politique auprès des siens, avait-il dit à Julia Garelli. Il faut non
seulement qu’il comprenne en raison que c’est l’intérêt de l’Allemagne, mais, Julia,
il faut, pour qu’il emporte la décision, qu’il nous aime un peu. Et – Thaddeus
ouvrait les bras, s’inclinait – vous êtes la seule, chère Julia, à pouvoir
obtenir cela… »
    Elle avait relevé le
défi, à la fois par curiosité, par devoir et par désespoir, après cette froide
et brûlante nuit passée avec Heinz Knepper dans la chambre de l’hôtel Kœnig, à
Berlin. Et puis le désir, le plaisir étaient venus la surprendre, et elle
attendait avec un peu d’impatience que Thaddeus et Erwin eussent terminé de
rédiger leurs propositions. Rosenwald faisait monter dans la chambre une
bouteille de Champagne, on trinquait sur la terrasse, puis il repartait pour l’hôtel
Europa dont on percevait l’enseigne rouge.
    Il reviendrait le lendemain matin, apportant
les modifications souhaitées par Tchitcherine. Erwin von Weibnitz pouvait de
son côté regagner l’hôtel Miramar, à Gênes, ne le quittant que pour une courte
promenade sur les quais du port.
    Un jour, Julia avait
croisé un groupe de jeunes gens en chemises noires qui brandissaient des
étendards à têtes de mort, des gourdins, criant qu’il fallait marcher sur Rome
et donner le pouvoir à la jeunesse fasciste.
    Ils chantaient – ils braillaient, plutôt –, mais
elle avait retenu ces quelques mots de leur refrain :
    « Noi altri siam fascisti
    A morte i communisti… »
    (« Nous sommes les fascistes
    À mort les communistes… »)
    Elle était rentrée à
l’hôtel non pas apeurée, mais un peu plus désespérée.
    Il lui semblait qu’elle participait à une
comédie dont seuls les acteurs connaissaient les coulisses et dont ils étaient
aussi les seuls à n’être pas dupes. Le public croyait ce qu’il entendait sur
scène ; il oubliait que les acteurs interprétaient des rôles, que les
décors n’étaient que des toiles peintes, non une épaisse forêt ou un ciel
tourmenté.
    Les jeunes gens pleins d’illusions, les survivants
du massacre de la guerre qui rêvaient de révolution, qui, à Tours, à Berlin, à
Livourne, dans la plupart des pays du monde, fondaient des partis communistes, et
pour qui la Russie des Soviets était une espérance et un modèle, ne pouvaient
imaginer ce qui se tramait ici, à Rapallo, entre les diplomates allemands et
les délégués de la Russie des Soviets. Là, il n’était plus question de
révolution, mais d’entente entre deux États, et de l’entraînement sur le sol
russe des unités de la Reichswehr qui contribueraient pour leur part à la
formation des officiers de la toute neuve Armée rouge. Or c’était des hommes de
la Reichswehr qui avaient assassiné Rosa Luxembourg en 1919 ! Trois ans
seulement s’étaient écoulés depuis lors.
    Lorsque Erwin von Weibnitz s’était assoupi, Julia
avait quitté la chambre, s’était installée sur la terrasse, sous le ciel qui
scintillait.
    Elle avait eu froid, mais cet air encore vif
de la nuit d’avril la lavait. Frissonnant, elle avait attendu que l’aube
rougeâtre incendiât la mer.
    Erwin von Weibnitz n’a
pas passé la nuit du 15 au 16 avril dans la chambre de Julia, à l’hôtel
Excelsior.
    Il est rentré à Gênes et, dans ses mémoires, il
raconte comment, arrivant à l’hôtel Miramar au milieu de la nuit, il a présenté
les dernières propositions russes au chancelier du Reich, Wirth, ainsi qu’au
ministre des Affaires étrangères, Rathenau :
    « Ils étaient en pyjamas, entourés de
leurs conseillers assis ou à demi allongés sur les divans, les coussins,

Weitere Kostenlose Bücher