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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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par les épaules. Sans me regarder, mais enfonçant
ses doigts dans ma chair, il s’est dit persuadé qu’ils avaient déjà tué Heinz d’une
balle dans la nuque dans leur abattoir de la Loubianka. Sinon, ils l’auraient
jugé. Il aurait fait partie du spectacle. Mais sans doute Heinz avait-il refusé
de tenir le rôle qu’on avait voulu lui assigner. Et puis, il était allemand. Et
son procès aurait pu provoquer un incident diplomatique, surtout s’il avait
clamé son innocence.
    Willy Munzer était persuadé que Heinz, têtu, fidèle,
n’était pas homme à se renier.
    Ainsi Munzer me torture. Il prétend que j’ai
peur d’affronter la vérité alors que je sais fort bien que Heinz n’a pas plié
devant ses bourreaux.
    — Tu l’imagines, lui, obéissant à un
Iejov, à un Beria ? Ils l’ont tué, Julia, dans les heures qui ont suivi
son arrestation. Et, depuis, ils jouent avec toi, et tu cèdes à leur chantage. Ce
sont des criminels et tu le sais !
    Il m’accable.
    Je voudrais hurler, dire que si j’avais
accepté – comme Heinz le désirait – d’avoir un enfant, je pourrais en effet
choisir de m’enfuir pour le sauver. Mais j’ai réduit ma vie à ce “nous” des
camarades, à ce parti où chacun est le bourreau de l’autre.
    J’ai répondu à Willy Munzer que si je n’avais
pas la preuve de la mort de Heinz, je rentrerais à Moscou, et que Heinz, à ma
place, agirait de même.
    « Je me suis donc rendue à l’ambassade. Sitôt
franchies les grilles du parc qui entoure le bâtiment, j’ai eu la sensation d’être
enchaînée, deux boulets rivetés à mes chevilles, un poids écrasant mes épaules.
    Silence dans le hall sépulcral.
    Lorsque je précise que je suis attendue par l’ambassadeur
Meskine, on me regarde avec effarement et je lis de l’effroi dans les yeux de l’officier
à qui je m’adresse. Il hésite, puis, compulsant un registre, m’annonce que je
serai reçue par le premier secrétaire, le camarade Sergueï Volkoff, et, plus
bas, presque dans un chuchotement, il ajoute que l’ambassadeur est à Moscou
pour consultation.
    Je suis aussitôt saisie de panique. Meskine
est peut-être déjà emprisonné à la Loubianka.
    Je m’éloigne du bureau. Je dis que je
reviendrai, que je ne veux rencontrer que l’ambassadeur en personne.
    L’officier s’est levé et me montre Sergueï
Volkoff qui s’avance, mains dans les poches de sa veste trop large.
    « Je le connais
bien. C’est lui qui, depuis mon arrivée à Berlin, me transmet les instructions
du “Centre”, comme il dit, et recueille les informations que j’ai glanées en
passant mes nuits avec Karl von Kleist ou en valsant, dans les salons de la
chancellerie du Reich, avec l’un de ces jeunes diplomates qui entourent
Ribbentrop et dont la raideur d’automate m’attire, je le reconnais.
    J’ai tenu Sergueï Volkoff à distance, élevant
entre nous la barrière de mon mépris et même de mon dégoût. Mais j’ai toujours
eu la certitude que mon attitude le satisfaisait, qu’il jouissait de l’antipathie
et du rejet qu’il provoquait, qu’il étirait à chaque fois notre entretien à
dessein pour m’exaspérer, me contraindre à subir sa présence, à répondre à ses
questions autant qu’il le désirait.
    Il était le maître. Il jouait avec moi. Il me
déshabillait du regard et, comme par mégarde, effleurait mon genou, et il
souriait avec ironie lorsque je me rencognais dans le coin du canapé.
    Souvent il laissait s’écouler plusieurs
minutes, et, la tête levée, poseur caricatural, semblait suivre les volutes de
la fumée de sa cigarette, avant de me poser une question.
    « Cette fois, il
change de comportement et de ton :
    — Meskine ne reviendra pas. Nous l’avons
démasqué, dit-il en se tenant bras croisés devant moi, sans même m’inviter à m’asseoir
dans ce bureau de l’ambassadeur qu’il occupe donc, remplaçant le titulaire qu’il
a sans doute dénoncé au “Centre” comme espion allemand, un “laquais” des
hitléro-trotskistes.
    Il ajoute que ma mission s’achève et que je
dois me préparer à rentrer moi aussi
à Moscou.
    À l’écouter analyser la situation diplomatique,
j’ai l’impression d’entendre le général von Kleist.
    — Nous avons semé, dit Volkoff. Les
Allemands savent à quoi nous sommes disposés, mais ils veulent d’abord
démanteler la Tchécoslovaquie et faire plier Londres et Paris. Pourquoi pas ?
Après, ils viendront vers nous,

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