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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’une princesse inquiète et fervente à son côté l’empêchaient de s’exprimer davantage. Elle parut faire un effort ou chercher une diversion :
    – Quand je l’ai vu pour la dernière fois, à Ashby, son épouse… Ah ! Je suis si troublée que j’ai oublié son nom…
    – Blandine.
    – C’est cela… Blandine était grosse.
    – Elle a mis au monde une fille, Luciane que j’ai épousée.
    – Luciane… murmura Jeanne de Kent.
    Soudain, l’index pointé, accusateur :
    –  Ma Luciane !… Celle que vous m’avez robée lors de cette nuit horrible…
    Elle avait deviné. Elle se domina de crainte d’un nouvel esclandre et, tournée vers sa compagne interdite par ce regain de fureur :
    – Je t’ai tout énarré 31 , ma chère. Il m’a ravi ma chambrière et il l’a épousée !
    « Par le sel de mon baptême, on dirait que je lui ai pris sa fille ! »
    Tristan s’inclina, devinant que lorsque la belle Jeanne était ainsi, un pli sévère entre les sourcils, la bouche pincée, les épaules rejetées en arrière, elle condamnait ou graciait sans que rien, ensuite, ne parvînt à abroger sa sentence. Il se contraignit au silence et à la froideur afin de conserver, s’il en était capable, l’espèce d’ascendant qu’il avait obtenu sur Tancrède qui, elle, pouvait influencer favorablement son amie.
    – Je vous prends pour un preux, messire, dit la belle Jeanne. Je le maintiens. Pour accomplir l’appertise 32 de cette nuit-là, il fallait un homme d’exception. Je vous en fais l’aveu devant Hugh Calveley qui est de votre espèce : je me suis réjouie de voir apparaître mon époux sain et sauf et il m’a plu de vous savoir en fuite. Mais j’ai toujours pensé que sans Luciane, ma house maid, vous eussiez été pris et châtiés incontinent, tous autant que vous étiez pour réussir cette emprise 33 .
    Tristan s’inclina encore bien que l’expression house maid, née d’un dépit soudainement réapparu, lui parût injustifiée. Luciane n’avait rien d’une servante. Sa noblesse, sa grâce native ne se pouvaient contester.
    – Nous avons contraint Luciane à nous accompagner, princesse. Cette aide que vous lui reprochez encore à ce qu’il semble fut involontaire. Quand, après de longues recherches, elle eut retrouvé son père, elle m’a épousé.
    – Son père était Ogier d’Argouges, mon cousin.
    – Oui, dame… Elle était née à Gratot, en Cotentin, lorsqu’il était captif en Angleterre.
    – Ogier me parlait souvent, dit Calveley, de cet enfant qu’il ne connaissait pas. Il souhaitait, bien sûr, un garçon.
    – Je puis vous garantir qu’il adorait sa fille, reprit Tristan, la gorge serrée par un émoi qu’il ne pouvait surmonter. À son retour d’Angleterre, la morille 34 venait d’envahir la Normandie. Toute la mesnie de Gratot était morte… Thierry, l’oncle de Luciane, emmena celle-ci au Mont Saint-Michel pour la soustraire à l’épidémie et puis Dieu a voulu, sans doute, que l’enfant croise votre chemin, princesse. Vous l’avez en quelque sorte adoptée. Elle a vécu avec vous à Saint-Sauveur, puis vous l’avez emmenée sur la Grande Ile… Voilà en raccourci ce que vous savez aussi.
    Tristan se tut. Toutes ces années d’une servitude composée d’ombres et de dorures le laissaient indifférent. Luciane ne s’était jamais plainte d’avoir servi la plus belle fille de Kent, comme on appelait Jeanne.
    – J’aimerais la connaître, dit Tancrède, songeuse.
    – Ah ! fit son amie dans un souffle agacé.
    Allaient-elles toutes deux se prendre de querelle ?
    Non. Elles se ressemblaient tellement, corps et caractère – qu’elles ne pourraient jamais devenir ennemies. Les mots qu’elles employaient étaient aussi rebattus (354) que des épées de tournoi.
    Tristan se sentit enveloppé d’un regard connaisseur.
    – Voilà, Hugh, ce me semble, un challenger pour nos champions.
    « Elle veut me voir souffrir ! »
    –  Castelreng princesse, n’a qu’une envie que je comprends : revoir sa dame. Si j’ai tenu à l’amener devant votre époux, c’est pour obtenir son accord sur la façon de recueillir la rançon de Guesclin. Nous lui proposerons, le captal de Buch et moi-même, d’envoyer Castelreng au roi de France afin de lui remettre les propositions du prince d’Aquitaine…
    « Tu ne m’as pas révélé ce dessein, Hugh », songea Tristan. « Tu crois qu’une fois à Paris, un autre galopera vers

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