Le prix du sang
réalise certainement aujourdâhui. Je vous ai toujours considéré comme un bon parti.
Le marchand marqua une pause afin de rompre avec son ton pompeux, puis reprit avec une mine narquoise :
â Au fond, votre seul défaut est de voter conservateur. Mais dans les circonstances présentes, cela peut même présenter un avantage.
Le futur marié répondit dâun sourire entendu. Rien ne lui permettait de douter de la sincérité de ces paroles : habituellement, les pères se montraient plus enclins que leur fille à le considérer comme un prétendant convenable. Thomas demanda après un nouveau silence :
â Avez-vous songé à une date?
â Le 17 octobre.
Lâhomme émit un petit sifflement, puis convint après une pause :
â Une échéance bien courte, mais les obstacles seront faciles à lever. Je nous verse chacun un verre, puis nous irons rejoindre la promise.
Un instant plus tard, Thomas posait son cognac sur un guéridon et embrassait sa fille en lui murmurant « félicitations » à lâoreille. En réalité, il se congratulait lui-même : la catastrophe de 1908 se terminait finalement plutôt bien.
â Je monte, afin de demander à Ãlisabeth de se joindre à nous.
La grimace dâEugénie lui échappa. Quelques minutes plus tard, la jeune femme, raidie, toléra mal lâétreinte de sa belle-mère, recevant ses bons mots avec un « merci » à peine audible. Fernand accueillit quant à lui la bise sur chacune de ses joues en rosissant un peu.
â Je vous félicite. Le chemin fut long.
â Plutôt, oui.
â Je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez.
Après quelques minutes de gaieté un peu affectée, les parents montèrent à lâétage afin de laisser les tourtereaux à leur bonheurâ¦
* * *
La nouvelle silhouette du pont de Québec, toujours en reconstruction, se révélait beaucoup moins gracile comparée à celle de lâouvrage effondré en 1907. Chacun voulait croire en une promesse de plus grande robustesse. Si Ãdouard avait convaincu Clémentine de pousser la promenade en voiture jusque-là , depuis quelques minutes, une architecture plus intime retenait toute son attention.
La banquette arrière procurait tout le confort possible. La jeune femme, la tête inclinée vers lâarrière, acceptait la bouche goulue sur la sienne. La langue du garçon contre ses lèvres entraîna dâabord un mouvement de recul et une acceptation passive de lâintrusion ensuite. Après quelques instants, elle acceptait dâentamer un agile petit ballet.
La blonde demoiselle alternait les tentatives de raidissement et de résistance aux privautés, puis les instants de langueur, dâabandon au plaisir qui lui nouait le ventre. Dans lâun et lâautre cas, elle crispait ses doigts sur les épaules de son compagnon. Quand la bouche descendit sur son menton, atteignant la peau très douce du cou, une plainte énamourée lui échappa. Le gémissement agit comme un déclencheur sur Ãdouard. Sa main quitta le ventre chaud et souple pour remonter sur la poitrine. Il commença à détacher les petits boutons du corsage.
Clémentine saisit les doigts trop audacieux dans les siens, les immobilisa, le temps que la bouche du garçon revienne contre la sienne et la pénètre de la langue en un simulacre dâun contact plus intime encore. La main put bientôt reprendre le lent déboutonnage. Les doigts féminins esquissèrent sur elle une petite caresse. Le labeur reçut sa récompense : Ãdouard posa bientôt sa paume directement contre la peau du ventre, la laissa remonter sous le tissu lâche de la brassière, jusquâà saisir un petit sein à lâarrondi parfait, couronné dâune fraise turgide.
â Non, câest mal, réussit-elle à articuler malgré le bâillon du baiser.
Le nouveau sursaut de pudeur amena le garçon à abandonner la bouche entrouverte pour susurrer de sa voix la plus caressante, suave même :
â Tu es si belle⦠Je ne peux résister. Sâil te plaît, ne mâarrête pas.
à nouveau, les langues reprirent une petite danse agile. Les lèvres mouillées de salive, frottées les unes contre les autres, enlevèrent
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