Le prix du secret
pourvues de barreaux et les portes semblaient toujours solidement fermées.
— On pourrait entrer tout de suite, suggérai-je. J’ai la clef et c’est mon droit. Mon mari avait réglé d’avance cinq ans de loyer.
— Nous n’avons pas d’outils pour soulever les lames, pas de sacs pour emporter le trésor. On pourrait entrer sans éveiller de soupçon, mais vous nous imaginez ressortant au grand jour avec de la vaisselle étincelante ? Car il s’agit surtout de vaisselle, n’est-ce pas ?
Je n’avais fourni qu’à la reine Catherine la description entière. Cette fois, je précisai :
— Il y a en outre deux très belles salières. Je ne peux m’empêcher de craindre que l’entrepôt soit repris par d’autres, qui auront empilé des caisses partout sur le plancher.
— Nous reviendrons, dit Jenkinson d’une voix apaisante. Sous le couvert de la nuit, avec des outils, nous aurons tout loisir de déplacer ou de démonter d’éventuels obstacles, et de les remettre en place ensuite. Pour parer à toute difficulté, soyons plus prévoyants encore : en plus d’un bateau supplémentaire, nous emmènerons Longman et le jeune Sweetapple. Même Blanchard pourra nous aider, s’il y est disposé.
À notre retour, nous trouvâmes Luke Blanchard levé et en train de manger. Il apprit avec intérêt que nous avions repéré l’entrepôt, mais déclina toute idée de se joindre à nous cette nuit-là.
— Cela ne me concerne pas, répondit-il avec candeur. Hélène et moi partons pour l’Angleterre dès que possible, et je ne veux pas que nous soyons arrêtés, mes hommes et moi, pour avoir pillé un entrepôt. J’envoie Sweetapple et Arnold en France avec vous par souci de votre sécurité, Ursula, toutefois cela n’ira pas plus loin. Au fait, toutes nos places ont été confirmées. Un message de Sir Thomas Gresham est arrivé en votre absence. Nous sommes jeudi. Le Léopard, sous les ordres du capitaine Drayton, lèvera l’ancre pour l’Angleterre lundi. Le capitaine Ericksen et le Britta feront voile vers la France le lendemain. On nous recommande d’être à bord dès la nuit précédente.
Je ne m’attendais à rien d’autre de sa part. Je haussai les épaules et ne dis mot. Jenkinson, en revanche, déclara que ces nouvelles étaient excellentes, puis s’enquit des projets de chacun pour l’après-midi.
— J’ai des emplettes à faire, dont des outils et de la nourriture.
Le garde-manger de Klara était amplement pourvu d’étagères, cependant il n’y avait pas grand-chose dessus.
— Viendrez-vous m’aider, dame Blanchard ? me demanda Jenkinson.
— Si vous le souhaitez. Voulez-vous nous accompagner, Hélène ? Nous pourrions compléter votre trousseau toutes les deux, pendant que messire Jenkinson s’occupe du reste.
— Je suis lasse et préfère me reposer, répondit-elle.
— Vous vous fatiguez trop vite pour une jeune fille de votre âge, observa Blanchard avec réprobation.
— Eh bien, nous irons ensemble, dame Blanchard, conclut Jenkinson. Il y a beaucoup à faire. Nous devons louer un second bateau, plus grand, au cas où le trésor serait lourd. Longman pourrait s’en charger et l’amener ici, à la rame, afin qu’il soit prêt pour ce soir.
À la fin de l’après-midi, je fus moi-même épuisée, car nos achats avaient nécessité beaucoup d’énergie et c’était une chose heureuse que le trousseau d’Hélène n’en eût pas fait partie. Longman, qui possédait une bonne maîtrise de la langue locale, s’en alla louer un bateau pendant que Jenkinson et moi entreprenions de dépenser les cinq cents livres de Gresham de la manière la plus judicieuse possible.
— Ce soir, si nous échouons dans nos efforts, déclara mon compagnon alors que nous rentrions à la maison bien chargés, je vendrai quelques-uns des précieux colifichets que j’ai dans mes bagages, et je vous achèterai certains de ces articles, dame Blanchard. Alors, vous pourrez récupérer vos bijoux auprès de Gresham. Je gage que j’en tirerai un bon bénéfice, une fois en Angleterre.
C’était un homme d’affaires, lui aussi.
Nous n’avions pas oublié les provisions. J’aidai Jenkinson à garnir les étagères du garde-manger pendant que Klara nous observait, ses yeux larmoyants emplis de gratitude. Elle comprenait que, lorsque nous partirions, nous lui laisserions des quantités de fromage, de fruits secs, de poisson séché, de riz et de bacon, avec de
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