Le retour
et l'affaire fut conclue. Le jeune débardeur et
Richard empoignèrent l'arbre et le transportèrent rue Emmett.
- Tu penses que
c'est vrai que ça vient de chez son frère? avait demandé Richard lors d'une
courte pause qu'ils s'étaient accordés coin Fullum et Sainte-Catherine, près de
la crèche extérieure du presbytère.
- Ça se peut, répondit
Pierre en riant. Mais disons qu'il y a plus de chance que ce soient des arbres
volés.
À la maison, on
avait eu le temps de remettre de l'ordre dans la cuisine. Gilles avait retrouvé
les vieilles boîtes de décorations et les quelques séries de lumières
entreposées dans la cave. En moins d'une heure, l'arbre fut installé dans l'un
des coins de la pièce et décoré. Une guirlande fut même suspendue à l'entrée du
couloir. Avant que Pierre rentre chez son oncle, on éteignit le plafonnier de
la cuisine pour juger de la beauté de l'arbre illuminé.
- Je pense que
votre père va être ben content de voir ça, déclara Laurette au moment d'aller
se coucher, à la fin de la soirée.
Le lendemain
soir, Denise rentra à la maison, porteuse d'une douzaine de boules de Noël
rouges, cadeau de son amoureux. Carole et elle s'empressèrent de les suspendre
dans l'arbre.
Trois jours avant
Noël, Laurette décida de se mettre à la préparation de son réveillon de Noël
dès que Gérard l'eut quittée pour aller se coucher. Même si elle avait moins de
peine à confectionner sa pâte à tarte depuis qu'elle avait adopté la recette de
la veuve Paquin quelques années plus tôt, elle n'avait pas plus ce qu'elle
appelait "l'esprit des fêtes". Pour elle, Noël, le jour de l'An et la
fête des Rois
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ne représentaient
que des occasions de dépenses et un surplus de travail dont elle se serait bien
passée.
Même si elle
réussissait maintenant sans mal sa pâte à tarte, elle ne cuisinait des tartes
et des tourtières qu'une fois par année.
- C'est ben
assez, bout de viarge! dit-elle à mi-voix en ajoutant des oignons finement
hachés dans la poêle en fonte dans laquelle cuisait un mélange de boeuf et de
porc.
Elle cuisinait
depuis deux heures. Le fond de dix assiettes de tôle était déjà pourvu d'une
couche de pâte. La cuisinière n'attendait que la fin de la cuisson des raisins
et des dattes pour en verser dans quelques-unes avant de les couvrir d'une
mince pâte et de les mettre au four. La cuisine embaumait, mais Laurette était
indifférente à toutes ces bonnes odeurs.
- Maudit que
c'est du trouble pour rien toutes ces affaires fancy-là, pesta-t-elle. Je vais
passer ma journée là-
dedans et demain,
ce sera pas mieux, il va falloir que je m'occupe de la dinde et du ragoût de
boulettes.
A la radio Les
trois cloches, interprétée par Edith Piaf, finissait de jouer et l'animateur
venait d'annoncer Mon coeur est un violon de Lucienne Boyer quand la porte
d'entrée s'ouvrit doucement, laissant pénétrer un courant d'air froid jusque
dans la cuisine.
- Bon. Dis-moi
pas que l'école a fini plus de bonne heure aujourd'hui, se dit la cuisinière,
agacée par la perspective d'avoir Gilles ou Carole dans la maison pendant
qu'elle cuisinait.
Les mains
couvertes de farine, elle s'avança jusqu'à l'entrée du couloir pour voir qui
venait d'entrer. Son coeur eut un raté en apercevant Jean-Louis, dans la
pénombre du couloir, en train d'enlever ses couvre-chaussures. Le
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jeune homme avait
déposé une valise en cuir bouilli près de la porte.
La mère de
famille dut faire un énorme effort pour ne pas se précipiter vers son fils
qu'elle n'avait pas vu depuis plus de quatre mois. Elle resta immobile, le
coeur battant, à l'entrée du couloir. Elle attendit qu'il ait tourné la tête
vers elle pour lui faire signe de ne pas parler et de venir la rejoindre dans
la cuisine. Sur ce, elle lui tourna le dos et revint près de la table où, les
mains tremblantes, elle saisit son étui à cigarettes et s'alluma une cigarette.
Après ce qui lui
parut être une éternité, elle vit son fils entrer dans la cuisine, l'air penaud
et surtout chiffonné. La mère de famille sursauta en l'examinant sous
l'éclairage du plafonnier. Il n'était pas rasé et. arborait de larges cernes
sous les yeux. La mère de famille ne l'avait jamais vu avec une apparence si
peu soignée. Jean-Louis avait le visage très pâle et semblait avoir maigri.
- Assis-toi et
parle pas trop fort pour pas réveiller ton
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