Le retour

le temps d'entrevoir le jeune homme au visage couvert d'acné qui venait
de quitter précipitamment sa fille. Il traversa la rue Sainte-Catherine en
diagonale et disparut sur la rue Fullum, peu intéressé, de toute évidence, à
savoir comment cela allait se passer entre sa petite amie et sa mère.
     
    Rouge de fureur,
Laurette avait attrapé sa fille par un bras et avait traversé la rue
Sainte-Catherine au pas de charge devant l'église Saint-Vincent-de-Paul, sans
desserrer les dents.
     
    - Mais m'man!
voulut protester l'adolescente.
     
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    - Ferme ta boîte
et arrive à la maison, ma petite maudite! J'ai deux mots à te dire, toi!
     
    - Vous me faites
mal au bras! se plaignit la jeune fille.
     
    - Avance! se
contenta de lui ordonner sa mère.
     
    Grouille-toi!
     
    Le reste du
trajet fut couvert en un temps record. Déjà, les premiers élèves des écoles
Champlain et Sainte-
     
    Catherine
envahissaient les trottoirs, pressés de rentrer à la maison à la fin de cette
journée de classe.
     
    Arrivée devant la
porte à la peinture verte craquelée du 2318, Emmett, Laurette, à bout de
souffle, ordonna à sa fille:
     
    - Débarre la
porte! Grouille-toi!
     
    Carole tira la
clé de l'une des poches de son coupe-vent et l'introduisit dans la serrure.
Elle eut à peine le temps de la retirer que sa mère la poussait sans ménagement
dans la maison avant de claquer la porte derrière elle. Elle empoigna ensuite
l'adolescente par le collet et la poussa jusque dans la cuisine où elle la
lâcha enfin. Apeurée par la violence de la colère de sa mère, Carole se réfugia
à un bout de la table, tremblant à la pensée de la tempête qui allait se
déclencher.
     
    Laurette enleva
son manteau de printemps qu'elle laissa tomber sur le dossier d'une chaise,
ouvrit son sac à main d'où elle tira son étui à cigarettes et s'alluma une
cigarette, comme si le fait de fumer allait l'aider à se calmer.
     
    - A cette heure,
tu vas me dire ce que tu faisais avec ce bum- z sur la rue, en plein milieu de
l'après-midi, au lieu d'être à l'école.
     
    - Ben...
     
    - Envoyé! hurla
la mère de famille, hors d'elle.
     
    Accouche!
     
    - C'est pas un
bum m'man. Il s'appelle François Beaupré. Il finit sa neuvième année à l'école
Meilleur. Il connaît Gilles.
     
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    - Ça en fait une
affaire, ça! Et je suppose qu'il avait pas d'école, lui aussi. Comment ça se
fait que toi, tu traînais sur la rue au lieu d'être à l'école? Raconte-moi
surtout pas de menterie, ma maudite dévergondée!
     
    - Je suis pas
allée à l'école cet après-midi.
     
    - Je l'ai ben vu!
Comment ça se fait? Pourquoi?
     
    - Ben, ça me
tentait pas, avoua piteusement Carole, en baissant la voix et en s'éloignant un
peu plus de sa mère dans la crainte de recevoir un coup.
     
    - Ça te tentait
pas! fit sa mère, sarcastique. T'aimais mieux, je suppose, aller traîner avec
un bum sur la rue et passer pour une putain en te laissant taponner et
embrasser devant tout le monde! rugit-elle, au comble de la fureur, en montant
progressivement le ton.
     
    Malgré sa taille
imposante, Laurette se déplaça, vive comme l'éclair, et asséna à sa cadette
deux gifles propres à lui décoller la tête sur les épaules. Carole cria et se
protégea le visage en levant les deux mains, mais déjà sa mère s'éloignait
d'elle, comme si elle désirait éviter la tentation de la battre comme plâtre.
L'adolescente se mit à pleurer.
     
    - Et comment tu
penses que tu vas pouvoir retourner à l'école demain matin? Envoyé! Dis-moi ça!
aboya-t-elle à l'adresse de sa fille.
     
    - Je vous aurais
demandé un billet de maladie, balbutia la jeune fille, à travers ses larmes.
     
    Laurette se
laissa tomber dans sa chaise berçante comme si son explosion de colère avait consumé
ses dernières énergies.
     
    - Je me désâme du
matin au soir pour vous faire vivre et c'est comme ça que tu me remercies,
reprocha-t-elle, amère, à sa fille. Je t'ai permis de retourner à l'école
plutôt que de torcher les vieux à l'hospice Gamelin et c'est ça que tu fais de
ton temps! Je pense que t'es allée à l'école pour la dernière fois. Tu vas
aller te chercher une job pas plus
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    tard que demain
matin, tu m'entends? C'est fini l'école pour toi! Tu viendras pas rire de moi
en pleine face, je t'en passe un papier. Je passerai pas ma vie à travailler
comme une folle et à me serrer la ceinture pendant que tu t'amuses.
     
    - Non! m'man, fit
sa