Le Roman d'Alexandre le Grand
défenses ennemies. Il
devinait toutefois que le résultat de cette entreprise ne dépendrait pas
seulement du travail de ses machines : il sentait que Memnon préparait une
contre-attaque.
Il convoqua sur la colline
Parménion, Cleitos le Noir et ses compagnons : Héphestion, Perdiccas,
Léonnatos, Ptolémée, Lysimaque, Cratère, Philotas, Séleucos. Et Eumène.
Le secrétaire général était encore
couvert de poussière et assourdi par le vacarme. Il fallut donc hausser le ton
pour se faire entendre de lui. Derrière eux, l’armée était rangée :
d’abord, les « écuyers », pourvus d’armes légères et chargés de
l’assaut, ainsi que les attaquants thraces et agrianes. L’infanterie lourde des
Macédoniens occupait le centre et l’aile gauche ; les hoplites des alliés
grecs, l’aile droite. Sur les côtés, la cavalerie. Au fond, les vétérans de
Philippe, des hommes d’une grande expérience et d’une formidable résistance,
constituaient la troupe de réserve aux ordres de Parménion.
Ils attendaient tous en silence,
l’arme au pied, à l’ombre des oliviers.
Entre-temps, Perdiccas avait disposé
sur une hauteur une importante batterie de balistes pointées vers la porte de
Mylasa, d’où une sortie pouvait être tentée.
« Eumène a quelque chose à nous
dire », annonça Alexandre.
Le secrétaire jeta un coup d’œil à
son horloge solaire. Un pal, fiché dans le centre, projetait une ombre sur le
cadran de bois. « Dans moins d’une heure, le mur commencera à s’effondrer
sur le flanc oriental, expliqua-t-il. Les assises supérieures en pierres
carrées sont déjà en train de céder, et les assises inférieures sont ébranlées.
L’effondrement se produira simultanément, il aura une amplitude d’environ cent
cinquante pieds. »
Alexandre examina ses
officiers : les généraux et ses compagnons semblaient éprouvés pas les
longs combats, les veilles, les contre-attaques incessantes, les embuscades,
les privations et les efforts requis par un siège de plusieurs mois.
« Nous allons jouer le tout
pour le tout, affirma-t-il. Si nous gagnons, nous obtiendrons une renommée qui
nous ouvrira toutes les portes jusqu’au mont Amanus. Si nous sommes repoussés,
nous perdrons tout ce que nous avons conquis. Rappelez-vous une chose :
notre adversaire s’apprête sans doute à tenter une action décisive, que
personne ne peut prévoir. Mais observez cette tour. » Il indiqua le
gigantesque enchevêtrement de bois, hérissé de balistes et de catapultes qui
atteignait à présent une hauteur de cent pieds. « Et vous mesurerez le
danger qu’elle représente. Maintenant, faites avancer l’armée derrière les
tours. Nous devons être prêts à nous élancer dès qu’une brèche s’ouvrira.
Allez ! »
Perdiccas réclama la parole.
« Alexandre, je te demande le privilège de conduire la première vague.
Donne-moi des « écuyers » et des attaquants, et je te jure, par les
dieux, que nous siégerons demain matin au palais du satrape d’Halicarnasse.
— Prends les hommes dont tu as
besoin, Perdiccas, et fais ce que tu dois faire. »
Les officiers regagnèrent leurs
détachements. Bientôt, la sonnerie de la trompette retentit, et l’armée se mit
en marche. Seuls les vétérans demeurèrent immobiles, à l’ombre des oliviers,
sous le regard vigilant du général Parménion.
28
Sentant qu’en un moment si crucial il ne pouvait se fier qu’à
Bucéphale, Alexandre ordonna qu’on le lui amène. Il lui caressa le nez et
l’encolure, puis gagna au pas la zone de la mitraille, flanqué d’Héphestion et
de Séleucos qu’il avait voulus à ses côtés.
Un sifflement aigu attira son
attention. En tournant la tête, il vit que la grande tour qui s’élevait
derrière les remparts projetait une nuée de grappins en fer contre l’aile
droite de son armée.
« Mettez-vous à couvert !
s’exclama le Noir. Déguerpissez, si vous ne voulez pas être embrochés comme des
grives ! Déguerpissez, j’ai dit ! »
L’aile droite inversa le sens de sa
marche, fonçant au centre. Cleitos cria à ses soldats de s’abriter contre les
murs pour éviter le tir direct des balistes. Lysimaque répondit en actionnant
les machines de jet qu’il avait postées sur la hauteur. Frappés par les traits
macédoniens, de nombreux Perses tombèrent du haut de la tour et s’écrasèrent
sur le sol.
Le vacarme que produisaient les
grands blocs de parement en
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