Le tresor de l'indomptable
à la dérobée.
Il toussa.
— Berengaria loge à présent chez moi, mais je ne l’ai point interrogée moi-même. Je crains d’être indiscret. Je ne vous narre cela, ajouta le prêtre en bégayant, que parce que d’autres l’ont peut-être vue.
Je n’ai assisté à cette scène qu’à deux ou trois occasions. Cela m’a paru confirmer les rumeurs. Je veux dire que, lorsqu’une dame va au marché, sa servante l’accompagne toujours ; c’est une affaire de logique, n’est-ce pas ? Que faisait donc Lady Adelicia pour avoir besoin de renvoyer sa servante, pour lui permettre de vagabonder à son gré ? Mais – il haussa les épaules – posez-leur donc vous-même la question.
Les réponses volubiles du père Warfeld mettaient Corbett mal à l’aise. Était-il nerveux ou dissimulait-il quelque chose, juste pour éviter d’être impliqué ?
— En avez-vous fini avec moi, Sir Hugh ?
— Non, mon père, pas du tout, et je veux que vous restiez jusqu’à ce qu’il en soit ainsi. Vous devez faire prêter serment sur l’évangéliaire à chaque témoin. Après quoi, vous pourrez partir et chacun sera soumis à un rapide interrogatoire. Faites donc venir Wendover.
Quelques instants plus tard, le capitaine des gardes de la ville entra d’un pas insolent, son épée battant le haut de ses bottes. Corbett cligna de l’oeil à l’adresse de Ranulf. Le clerc principal de la chancellerie de la Cire verte sauta sur ses pieds et, d’une voix de stentor, intima à Wendover l’ordre de se montrer plus respectueux. Comment osait-il se présenter en armes devant le juge du roi ? L’offense de lèse-majesté lui était-elle inconnue ? Le ceinturon fut sur-le-champ débouclé et tendu à Chanson, et ce fut un capitaine moins fier qui alla s’asseoir pour marmonner le serment. Corbett attendit que le père Warfeld fût sorti.
Puis il se pencha par-dessus la table.
— Maître Wendover, vous venez de prêter serment ; j’en viendrai donc sans plus attendre au fait. Vous êtes l’amant de Lady Adelicia, le père présumé de son enfant.
Wendover regarda autour de lui avec nervosité.
— Oui ou non ? beugla Ranulf.
— Oui ! répondit le capitaine.
— Depuis combien de temps ? s’enquit le magistrat.
— Environ un an.
— Et vous vous retrouviez à L’Échiquier de l’espoir ?
— Lady Adelicia y tenait ; vous comprenez, j’y ai une chambre. Elle arrivait déguisée, bien que je sache qu’on nous voyait. J’ai ouï les ragots de mes propres oreilles. Lady Adelicia ne semblait pas en avoir cure, presque comme si elle désirait que Sir Rauf découvre ses écarts. Peut-être était-elle plus éprise de l’amour que de moi.
Il cilla et Corbett devina qu’il était inquiet. Ses yeux étaient injectés de sang ; sa lèvre inférieure tremblait. Soit Wendover était très troublé, soit il avait bu ; peut-être les deux.
— Et ce jeudi après-midi, quand Sir Rauf a été occis ?
— Cela s’est passé comme à l’ordinaire ; elle est venue avec sa servante, Berengaria...
— Ah ! l’interrompit Corbett. Que devenait la servante quand Lady Adelicia était enfermée avec vous ?
— Elle était livrée à elle-même. On l’expédiait souvent faire quelques commissions : lorsque Lady Adelicia rentrait chez Sir Rauf, elle pouvait ainsi lui montrer ce qu’elle avait acheté.
— Et c’est ce qui est arrivé ce jour-là ?
— Oui, oui. Quant aux agissements de Berengaria et l’endroit où elle s’est rendue...
Wendover secoua la tête.
— Je ne sais.
— Et vous, capitaine Wendover, qu’avez-vous fait ? Je veux dire après avoir badiné avec la dame de vos pensées... Est-elle partie la première ou est-ce vous ?
— Moi.
— Pourquoi ?
Je devais retourner au Guildhall. Je commençais à être inquiet.
— Ou à être las de votre amante ? Était-elle si importune ?
— Je commençais à m’inquiéter, Sir Hugh. Quand j’ai quitté la chambre, elle dormait.
— Et vous êtes revenu au Guildhall ?
— Oui, oui, bien sûr.
— Avez-vous des témoins ? interrogea Corbett.
Wendover haussa les épaules et détourna les yeux.
— Mais vous auriez pu vous rendre chez Sir Rauf. Après tout, c’était un homme fortuné.
— Comment l’aurais-je pu ! cria presque le capitaine. Je n’y allais jamais. Adelicia m’en avait assez dit sur Sir Rauf, ses coffres cerclés de fer, ses serrures spéciales et son cabinet fortifié
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