Le Troisième Reich, T2
et
abrogeant du même coup toute disposition allant à l’encontre de cette énormité.
Il faut avoir lu le document ci-dessous pour y croire :
« … Dans le conflit actuel dont l’enjeu est l’existence
ou l’anéantissement du peuple allemand, le Führer doit posséder tous les droits
qu’il requiert en vue de poursuivre la lutte et de parachever la victoire. En
conséquence, affranchi de l’observation des lois et des règlements en vigueur
jusqu’ici et en sa qualité de chef unique de la nation, chef du Parti national
socialiste, chef suprême des forces armées, maître du pouvoir exécutif, ministre
souverain de la justice, le Führer est en droit de contraindre, le cas échéant,
et par tous les moyens dont il dispose, n’importe quel citoyen allemand, officier
ou simple soldat, haut fonctionnaire ou employé subalterne, juge et magistrat, ouvrier
et employé, à l’accomplissement de son devoir. En cas de violation de ce devoir,
le Führer est habilité, après un consciencieux examen de chaque cas, sans égard
à de soi-disant droits, à destituer le coupable de son rang, de son poste ou de
ses fonctions et à décréter son châtiment sans avoir recours à une procédure
préalable (21). »
Jamais, même aux temps les plus reculés de la barbarie tribale, un
Germain ne s’était arrogé un pouvoir despotique d’une telle ampleur. Déjà chef
suprême des armées et, à présent, maître absolu de la nation allemande, Hitler
s’employa à freiner impitoyablement la retraite de ses troupes et à interdire
le moindre pas en arrière, à travers les plaines glacées, les neiges
meurtrières où s’engloutit la Grande Armée. Cette tactique inexorable
épargna-t-elle un désastre plus complet ?
Ou ajouta-t-elle au contraire à l’hécatombe ? Les généraux
allemands débattirent âprement et longuement la question sans se mettre d’accord.
Beaucoup affirmèrent que, s’ils avaient eu la liberté d’abandonner des
positions devenues intenables et perdues d’avance, ils auraient sauvé la vie de
milliers de soldats, un matériel colossal et, d’autre part, se seraient trouvés
en meilleure posture pour se regrouper, voire contre-attaquer. Alors qu’une
retraite exécutée à temps aurait prévenu le massacre ou la capture de divisions
entières, l’obéissance aux ordres du Führer coûta à
la Wehrmacht un prix exorbitant. L’opinion adverse est résumée par Blumentritt :
« L’acharnement fanatique du Führer, sa volonté
irréductible, imposée aux troupes, de se maintenir sur leurs positions coûte
que coûte, fut sans conteste un facteur salutaire. Hitler comprenait d’instinct
que tout recul à travers ces déserts de neige et de glace aurait entraîné l’effritement
du front et, partant, une déroute comparable à celle de la Grande Armée… Une
retraite ne pouvait être effectuée qu’à travers le terrain découvert, puisque
la neige bloquait routes et chemins. Au bout de quelques jours, les hommes
exténués se seraient tout bonnement couchés sur le sol en attendant la mort. En
arrière du front, il n’existait d’ailleurs aucune position de repli ni une
ligne quelconque sur laquelle nous aurions pu nous maintenir (22). »
Le général von Tippelskirch exprima le même avis :
« Ce maintien inflexible de nos troupes sur leurs
positions fut en vérité une des grandes réussites d’Hitler. En ces jours
sinistres, les soldats allemands ne se souvenaient que trop de ce qu’ils
avaient appris de la retraite des armées napoléoniennes dans les mêmes
conditions, et cette image les hantait. N’importe quelle volte-face se serait
muée en sauve-qui-peut (23). »
En fait, la panique sévissait déjà, non seulement sur le front
mais à l’arrière, aux Q. G. des états-majors. Les notes elliptiques d’Halder, jetées
au jour le jour sur ses carnets, nous en offrent un aperçu :
25 décembre 1941 : journée très dure…
29 décembre 1941 : autre journée critique…
conversation dramatique entre le Führer et Kluge. Führer interdit repli de l’aile
nord de IVe armée. Crise sérieuse dans IXe armée, où les généraux ont
visiblement perdu la tête. Midi : appel angoissé de Kluge. IXe armée
souhaite se replier en arrière de Rjew…
2 janvier 1942 : journée de combats
sauvages… graves remous dans IVe et IXe armées… Une trouée de l’Armée Rouge au
nord de Maloyaroslavets démantèle notre front. Il est difficile pour le
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