Le Troisième Reich, T2
préalable fait ! prévenir
Rommel qu’ils allaient venir de la part d’Hitler pour parler avec lui de « sa
nouvelle affectation ».
« A l’instigation du Führer, devait déclarer Keitel à
Nuremberg, j’envoyai Burgdorf chez Rommel avec une copie du témoignage porté
contre lui. Si celui-ci était exact, à lui d’en subir les conséquences. S’il n’était
pas vrai, il serait disculpé par le Tribunal.
— Et vous avez donné l’ordre à Burgdorf d’emporter du
poison avec lui, n’est-ce pas ? lui demanda-t-on.
— Oui, pour le mettre à la disposition de Rommel, si les
circonstances le justifiaient. »
Peu après l’arrivée de Burgdorf et de Maisel, il fut évident qu’ils
n’étaient nullement venus pour parler de la nouvelle affectation de Rommel. Ils
demandèrent à voir le maréchal seul et les trois hommes se retirèrent dans son
bureau.
Quelques minutes plus tard, raconta par la suite Manfred
Rommel, j’entendis mon père monter et entrer dans la chambre de ma mère.
Nous allâmes dans ma chambre. « Je viens de dire à ta
mère, me dit mon père, que je serai mort dans un quart d’heure… Hitler m’accuse
de haute trahison. En raison des services que j’ai rendus en Afrique, on me
donne la chance de mourir par le poison. Les deux généraux m’en ont apporté. Il
agit en trois secondes. Si j’accepte, aucune des dispositions habituelles ne
seront prises à l’encontre de ma famille…
On me fera des funérailles nationales. Tout a été préparé
jusque dans les moindres détails. Dans un quart d’heure vous recevrez un appel
de l’hôpital d’Ulm vous annonçant que j’ai eu une attaque d’apoplexie en me
rendant à une conférence. »
Et les choses se déroulèrent ainsi.
Vêtu de sa vieille veste de cuir de l ’Afrika Korps et tenant son bâton de maréchal, Rommel monta en
voiture avec les deux généraux. On l’emmena à 2 ou 3 kilomètres sur la route
qui longeait la forêt ; là, le général Maisel et le chauffeur S. S. descendirent
de l’auto, laissant Rommel et le général Burgdorf sur le siège arrière. Quand, une minute plus tard, les deux hommes
revinrent à la voiture, Rommel était affaissé sur le siège,
mort. Burgdorf faisait impatiemment les cent pas, comme s’il
craignait d’être en retard pour le déjeuner ou pour son apéritif coutumier.
Quinze minutes après avoir dit adieu à son mari, Frau
Rommel recevait de l’hôpital le coup de téléphone attendu. Le
médecin-chef lui annonçait que les deux généraux lui avaient apporté le corps
du maréchal qui venait de mourir d’une embolie, apparemment à la suite de ses
fractures du crâne. En fait, Burgdorf avait brutalement
interdit l’autopsie du corps. « Ne touchez pas au corps, avait-il vociféré.
Tout est déjà arrangé avec Berlin. » Et c’était exact.
Le maréchal Model lança un ordre du jour vibrant pour annoncer
que Rommel était mort des « suites des blessures
reçues le 17 juillet » et déplorant la perte « de l’un des plus
grands chefs militaires de notre pays ».
Hitler adressa à Frau Rommel le télégramme
suivant :
« Acceptez mes sincères condoléances pour la
douloureuse perte que vous avez subie avec la mort de votre mari. Le nom du
maréchal Rommel restera à jamais lié aux héroïques batailles de l’Afrique du
Nord. »
Gœring télégraphia « ses sincères condoléances » :
La nouvelle que votre mari est mort en héros, des suites de
ses blessures, alors que nous espérions tous que le peuple allemand le
conserverait, m’a profondément ému.
Hitler ordonna des funérailles nationales, où le plus ancien
officier de l’armée allemande, le maréchal von Rundstedt, prononça l’allocution
funèbre. « Son cœur appartenait au Führer » , dit
Rundstedt debout auprès du corps de Rommel, sur lequel reposait
le drapeau à croix gammée [276] .
« Le vieux soldat (Rundstedt), raconte Speidel, apparut
à tous les assistants comme un homme brisé et désorienté… Le destin lui avait
donné ici une dernière chance de jouer le rôle de Marc-Antoine. Il garda son
apathie morale (45) [277] . »
L’humiliation du corps des officiers de l’armée allemande était
grande. Elle avait vu trois de ses illustres maréchaux, Witzleben, Kluge et
Rommel, impliqués dans un complot pour renverser le seigneur de la guerre, crime
pour lequel l’un avait été pendu et les deux autres contraints à se suicider. Il
se voyait
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