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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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pourrais-je aussi suggérer de la poudre de fèves pour dégraisser les cheveux ?
    — Non, non ! Maître Gervais. Ma chevelure se porte bien. Ce sont les poudres qui m’intéressent. Ou plutôt je souhaite consulter votre expérience de ces produits et vous demander votre avis sur l’un d’eux, recueilli dans une affaire que je traite.
    — Je vois, dit le marchand, déçu sans doute de lui voir échapper une perspective de vente. La visite est celle du magistrat et non de l’homme de cour.
    — Ils se confondent, dit froidement Nicolas.
    — Bien sûr, bien sûr, s’empressa d’ajouter Gervais, inquiet d’avoir froissé une pratique.
    Nicolas sortit de sa poche un petit carré de papier qu’il posa sur le comptoir avant de l’ouvrir avec précaution.
    — Maître Gervais, que pourriez-vous nous dire de ce produit-là ? Il m’intéresserait de le savoir, car votre science est, je le sais, grande dans ce domaine.
    Le parfumeur se rengorgea, considéra le dépôt, le flaira doucement pour éviter de dissiper la poudre, y posa un doigt circonspect avant d’en porter une part infime sur sa langue et fit la grimace.
    — Monsieur, dit-il avec une componction digne d’un bonnet carré de la Sorbonne, cette chose…
    Là, il fit une grimace de dédain qui s’aggrava en un rictus de dégoût.
    — … trouble mon goût et mon sens des proportions.
    — Ah ! Qu’est-ce à dire ?
    — Que cela n’est pas français et qu’il s’y trouve mêlés dans le plus grand désordre des éléments contraires. Il s’agit pourtant d’une poudre à visage, mais mal conçue et d’une vulgarité sans nom. Cettematière est indigne d’une maison qui se tient ! Vous ignorez sans doute qui use de poudre rosée ?
    — Sachez, monsieur, dit Bourdeau agacé, que le commissaire sait tout.
    — Maître Gervais, vous n’imaginez pas le service signalé que vous rendez à la justice du roi.
    À chaque mot du commissaire, le parfumeur s’inclinait, émettant un petit rire chevrotant de contentement.
    — Cependant, vous serait-il possible de me préciser encore davantage l’origine de cette poudre puisqu’elle n’est point du royaume ?
    — Hélas ! Je puis seulement vous confirmer qu’elle n’émane ni d’Angleterre, d’Italie ou d’Autriche, non plus que des autres royaumes voisins.
    — Merci, maître Gervais. Je souhaiterais vous acheter des gants de peau de buffle pour faire des armes. La taille juste en dessous de la mienne.
    Plusieurs modèles lui furent présentés.
    — Combien la paire ?
    — Une livre dix sols, monsieur le marquis. Leur qualité est unique, mais si vous en prenez deux paires, je vous laisserai le tout pour deux livres.
    — Soit ! Je désirerais aussi un portefeuille de maroquin.
    — À serrure d’or, d’argent, à secret ?
    — Serrure d’argent à secret. C’est pour mon fils.
    — J’en fais compliment à monsieur le marquis. C’est un bon choix. Présent princier. Je le fais, pour vous, à vingt-cinq livres.
    Sortant de la boutique, Bourdeau souriait.
    — Voilà une information qui t’a coûté bon !
    — Qui veut le moins doit lâcher le plus. Reste que maître Vachon, mon tailleur, me croirait déshonoré d’accepter des rabais. Il est davantage soucieux queje le suis de ma qualité ! Dans l’avenir, la police devra souvent recourir à ces détenteurs de connaissances particulières. Ne les décourageons pas.
    — Celui-ci ne manque pas d’aplomb, il n’a pas l’air de se prendre pour un boutiquier.
    — Hé ! Ce n’est pas à toi que je vais apprendre ce qu’est un marchand mercier, gantier et parfumeur de surcroît, appartenant à l’un des six corps. Leur corporation se réunit à l’église du Saint-Sépulcre, rue Saint-Denis, qui accueille aussi, à leur grand déplaisir, les plombiers et les vanniers. Si le libertin que tu es…
    — Libertin ! Libertin ? Qu’est-ce à dire ?
    — Ah, ma Doué ! Le voilà qui prend feu comme le Suisse de la rue aux Ours ! Si tu préfères, sceptique en fait de foi et, à tout coup, un peu blasphémateur, mon ami républicain, dit en riant Nicolas. Tu verras là un magnifique tableau de Le Brun où saint Louis, patron des merciers, présente Louis XIV prosterné au Christ ressuscité.
    — Et pourquoi cette magnificence ?
    — Cette puissante corporation avait offert cinq cent mille livres au roi pour les dépenses de la guerre. La France y a gagné la Franche-Comté. En

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