Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
divertir sur la prairie devant la forteresse, et, à cette occasion,
Mananann prit Angus à part afin de lui parler sans que personne ne pût les
entendre. « Cette maison est belle, ô Angus, dit Mananann, et je n’en ai
guère vu de semblable que dans la Terre de Promesse. Quelle situation bonne et
plaisante elle a, sur les bords de la Boyne, à la frontière des cinq
provinces ! Si j’étais toi, Angus, cette demeure serait mienne, et je
lancerais des incantations sur Elcmar pour le sommer de la quitter sur l’heure
et de m’en laisser l’entière possession. Nous sommes à la veille de Samain et tu sais que, pendant la nuit de Samain ,
le temps n’existe plus. Aussi te suffirait-il de demander à Elcmar la
souveraineté de la Brug durant une nuit et un jour : il est si échauffé
par la boisson qu’il ne se rendra pas compte qu’une nuit et un jour, en pleine
fête de Samain , équivalent à l’éternité. – Pourquoi me
donnes-tu ce conseil ? demanda Angus. – Ce n’est pas difficile, répondit
Mananann. Comme ton père veut te donner un domaine, il m’a chargé de
t’instruire sur ce qu’il fallait faire. – Dans ce cas, dit Angus, je suivrai
ton avis. – Jure d’abord sur ton bouclier pourpre et sur ton épée que tu agiras
en tous points comme je te le dirai. » Angus prononça le serment que
Mananann exigeait de lui. « Fort bien, reprit Mananann. Sais-tu que cette
demeure ne convient pas à Elcmar, et que ce n’est pas à lui que la Brug est
destinée ? Quand nous aurons regagné la salle du festin, tout à l’heure,
pour y savourer la boisson qu’on nous a préparée, tu iras devant Elcmar et,
tirant ton épée, tu menaceras de le tuer. Tu n’en feras rien, pourvu qu’il
promette de faire ta volonté. Alors, tu exigeras de lui la souveraineté d’un
jour et d’une nuit sur la Brug. Il ne pourra se dérober et lorsque, ce temps
écoulé, il te demandera de lui rendre la souveraineté, tu lui diras simplement
que c’est en jours et en nuits que le monde se passe, et qu’il n’a plus rien à
faire ici, puisqu’il t’a donné la Brug pour l’éternité. »
    Ils revinrent tous dans la salle du festin, et Angus suivit
point par point le conseil de Mananann. Elcmar lui abandonna donc la
souveraineté de la Brug pour une nuit et un jour. Mais, au bout de ce temps,
quand il vint lui réclamer la restitution de son domaine, Angus jeta sur lui
une incantation magique et lui ordonna de quitter la Brug sans retard ni délai.
Et, dès qu’il eut entendu cet ordre, Elcmar se leva aussi prestement qu’un
oiseau qui se voit guetté par un chat prêt à bondir sur lui.
    Elcmar sortit donc de la maison avec tous ses gens, aussi
bien les hommes que les femmes. Aucun d’entre ceux qui se trouvaient réunis
dans l’assemblée n’aurait pu l’en empêcher, et personne n’aurait pu murmurer
contre l’injustice, car l’incantation était trop puissante pour que quiconque
fût en mesure de s’y dérober. Mais lorsqu’il se retrouva dans la prairie tout
humide des vapeurs de la nuit, Elcmar regarda sa femme et tous ses gens, et il
prononça cette lamentation : « Comme vous êtes tristes et misérables,
ô vous qui êtes de ma famille et de mon clan ! Il vous est pénible de
quitter la Boyne et la Brug, et vous aurez grand-peine et grand chagrin lorsque
vous serez au loin, en exil dans des pays inconnus. C’est, à l’évidence, le
perfide Mananann qui a enseigné ce tour à Angus. Ah ! peu s’en faut que le
désespoir ne m’accable et me tue. » [89]
    Cependant, avant de quitter les lieux, Elcmar se retourna,
fit appel à Dagda, et celui-ci vint le rejoindre. « Ô Dagda, dit Elcmar,
toi qui es le plus sage d’entre nous, que penses-tu du méchant tour que l’on
m’a joué ? – J’y vois un jugement sans défaut, répondit Dagda. C’est à ce
jeune guerrier que ta terre appartient désormais. Il t’a pris par surprise, un
jour de paix et d’amitié, car c’est par peur d’être tué que tu as confié ton
domaine à Angus. Mais je vais t’offrir une compensation : tu recevras de
moi une terre qui ne te sera pas moins profitable que la Brug. – Quelle
est-elle ? demanda Elcmar. – Je vais te le dire : il s’agit de
Cletech, avec les trois vallées qui l’entourent. Elle est peu distante d’ici.
Tes jeunes gens pourront venir jouer dans la Brug chaque jour devant toi, et tu
consommeras les fruits de la Boyne comme auparavant. – C’est bon, dit

Weitere Kostenlose Bücher