Les dîners de Calpurnia
conclu, il restait l'Egypte o˘ Grecs et Juifs, ennemis irréductibles, entretenaient un climat permanent de guerre civile. Hadrien fit un crochet par les rives du Nil et s'apprêtait enfin à rentrer quand des nouvelles inquiétantes arrivérent de Rome. Une dépêche chiffrée d'Attianus l'informait que Celsius, quietus, Palma et Nigrinus, membres influents de l'état-major de Trajan, qui l'avaient toujours haÔ, venaient de le précéder dans la cité o˘ ils
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fomentaient un complot et regroupaient leurs troupes. Hadrien allait-il échouer au port ? Sa résolution fut vite prise. Un émissaire partit sur-le-champ pour demander à Attianus d'agir vite. Il n'en avait pas dit plus mais le vieillard, s'il agit vite, agit aussi trés fort et le débarrassa d'un coup de ses derniers ennemis déclarés. Celsius fut assassiné à BaÔ'es, Palma à Terracine, Nigrinus à Faven-tia, dans leurs maisons de campagne.
quietus, lui, périt alors qu'il montait dans sa litiére pour gagner le Sénat. Hadrien eut connaissance de cette liquidation sauvage à bord du navire qui le ramenait en Italie. Il en fut atterré. Commencer son régne par un bain de sang n'avait jamais servi ceux de ses prédécesseurs qui s'étaient laissé aller à cet excés. Il savait qu'il lui faudrait longtemps pour faire oublier cette tache qui salissait sa renommée avant même qu'il ait réellement pris le pouvoir. Le Sénat, toujours prêt à défendre ses prérogatives, allait, c'était s˚r, faire des martyrs de ces quatre comploteurs dont la réputation était déplorable mais qui étaient sortis de ses rangs !
Comme il s'y attendait, Petronius n'avait pas reçu de nouvelles de Rufa. Il avait revu Tullia avec son frére à une course de chars o˘ ils l'avaient emmené. La jeune fille, blessée par l'indifférence de Petronius, avait refusé de parler de son amie.
- Je n'ai pas l'habitude de m'occuper des affaires de cúur des autres, avait-elle dit d'un air pincé. Si Rufa ne te donne pas de ses nouvelles, c'est qu'elle n'a rien à te dire !
Un aprés-midi, alors qu'il commençait un troisiéme buste de celle qu'il n'arrivait pas à oublier, Regus, le portier, frappa à la porte de l'atelier et entra :
- C'est bien, ce que tu fais, dit-il. Rabirius serait content.
- Merci, mais tu n'es pas venu pour me faire des compliments. qu'y a-t-il ?
- Un homme a apporté un pli pour toi. Le voici. Petronius regarda l'adresse. Ce n'était pas l'écriture de
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Lucinus, le seul qui lui envoyait parfois un message. " Et si c'était une lettre de Rufa ? " pensa-t-il soudain. Fébrile, il déroula le papyrus scellé à la cire rouge.
C'était bien Rufa. Le billet était laconique mais il y vit plein d'attentions cachées : " Cher Petronius, je serai demain à cinq heures du jour au xystum1 des nouveaux thermes de Trajan. " En signature une seule lettre : " R ". Il relut dix fois la phrase divine o˘ son imagination mettait une délicieuse lumiére poétique, puis il reprit son ciseau et agrandit d'un demi-pouce l'amande des yeux de son inspiratrice.
Petronius était arrivé en avance. Il avait déjà fait plusieurs fois le tour du xystum d'o˘ il avait une vue plongeante sur l'esplanade des thermes, les terrains de jeux, les ombrages et les fontaines. Il guettait celle qu'il attendait en essayant de dominer la légére appréhension, presque agréable, qui faisait battre son cúur un peu vite. Il avait déjà vécu des attentes similaires avec Lucinus mais aujourd'hui la sensation qu'il éprouvait était différente. Tout lui semblait nouveau dans ces thermes qu'il connaissait si bien : les tonnelles était plus vertes, les promeneuses plus gaies, les joueurs d'harpasttim plus adroits. Au fond, la fumée qui s'échappait de la cheminée des chaudiéres dessinait dans le ciel des volutes o˘ il déchiffrait le nom de Rufa. Aucune impatience ne crispait son visage. Il rêvait en regardant s'ouvrir les portes des annexes, signe que la cinquiéme heure était passée, et ne la vit pas arriver par le grand escalier.
Son péplum dégageait ses jambes qu'elle avait fines et lisses et sur lesquelles se croisaient les rubans dorés de ses sandales. Sur un foulard de soie légére qui couvrait en partie ses épaules, sa longue chevelure blonde tombait en cascade. Il sursauta quand elle lui toucha le bras du bout des doigts et il se retourna, ébloui. Ce n'était pas la Rufa 1. Promenade longeant l'esplanade des thermes. On y trouvait des boutiques, des
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