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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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l’expression de Sainte Église modéra l’inclination que le commissaire ressentait jusque-là. Il demanda :
    — Qu’est-ce qui vous fait croire cela ?
    À nouveau, un regard inquisiteur se posa sur lui.
    — Par l’intermédiaire d’un homme de paille, il a acquis trois grandes haciendas non loin de San Luis Potosí. Ces domaines font partie des biens confisqués. Si Maximilien devient empereur, ils rentreront en possession du clergé. Or Gutiérrez les a malgré tout achetés.
    Le prêtre fit une pause avant de conclure avec hargne :
    — Par conséquent, il ne croit pas au succès de l’entreprise.
    — Vous le tenez pour un traître ?
    Bien que l’expression dans ses yeux révélât ses véritables sentiments, le père Calderón ne répondit pas franchement.
    — En tout cas, formula-t-il avec prudence, il entretient des contacts avec le consul des États-Unis. Du moins rencontre-t-il son épouse à intervalles réguliers. Voilà ce que j’ai pu découvrir depuis que l’évêque Labatista m’a envoyé à Venise pour le surveiller.
    Tron prit une mine soucieuse.
    — Les États-Unis sont du côté de Juárez. Se peut-il que l’ambassadeur travaille pour le compte des ennemis de Maximilien ?
    De nouveau, le prêtre préféra une réponse sibylline.
    — J’en suis même venu à me demander s’il n’était pas lié au crime. Cette histoire pourrait en effet avoir des conséquences fâcheuses pour l’archiduc.
    Le commissaire fut surpris de le voir si bien renseigné.
    — Comment se fait-il que vous soyez au courant de la liaison entre Maximilien et Anna Slataper ?
    — C’est Gutiérrez qui m’a mis au courant, expliqua le père Calderón avec un sourire. Cette relation n’était un secret pour personne.
    — Vous a-t-il rapporté autre chose sur la victime ?
    Le prêtre secoua la tête.
    — Non. Ce n’était qu’une allusion en passant.
    Tron estima raisonnable d’abattre une partie de ses cartes. Il n’avait pas de raison de se méfier de l’ami de la princesse.
    — Lui aussi connaissait cette jeune femme.
    — C’est vrai ? s’exclama le prêtre en ouvrant de grands yeux.
    — Parfaitement. Dans la nuit du crime, il l’a même reconduite chez elle vers neuf heures, avant de rentrer à son hôtel. Du moins à ce qu’il prétend. En vérité, il n’était de retour au Danieli que vers onze heures et demie. Il a donc passé sous silence plus de deux heures. Deux heures pendant lesquelles Anna Slataper a été poignardée !
    — Le considérez-vous comme suspect ?
    Le commissaire haussa les épaules.
    — Si vos allégations concernant les haciendas se vérifient, il aurait un motif de saboter les projets de Maximilien. Cela ne suffit pas à en faire un assassin.
    — Quelles sont vos intentions ?
    — L’archiduc m’a convoqué au château de Miramar. Je prends le bateau à minuit.
    — Et savez-vous la raison de cette invitation ?
    Tron décida de ne pas montrer toutes ses cartes.
    — Je l’ignore. Sans doute se sent-il moralement obligé de nous soutenir dans nos investigations.

21
    Pour quelqu’un « dont les ancêtres avaient tué le Seigneur », selon les termes de signora Zuliani, M. Lévi produisait une impression d’extrême gentillesse. Il se tenait devant le grand comptoir en bois, au milieu de son magasin bourré de vêtements d’occasion. La lumière des deux lampes à pétrole suspendues au plafond se prenait dans sa longue barbe blanche qui scintillait comme des flocons. Derrière lui, un grand panneau accroché au mur annonçait en majuscules quelque peu maladroites : C OMPRIAMO , VENDIAMO , CAMBIAMO – Achetons, vendons, échangeons.
    Sur le comptoir se trouvaient une vitrine plate dans laquelle plusieurs montres faisaient entendre leur tic-tac et, à côté, un coussin en velours usé qui servait probablement à estimer les bijoux proposés ou à les montrer aux clients. Toutefois, la majeure partie de ses activités devait consister dans la vente de fripes.
    Vêtue d’une robe en lin à rayures vertes qu’elle avait enfilée derrière un rideau de velours rouge, Angelina Zolli s’efforçait, malgré la pénombre, de distinguer son reflet dans un miroir piqué. Elle ne voyait presque rien ; la robe lui plaisait tout de même. Au fond, c’était la première de sa vie. D’habitude, elle portait une blouse (il n’y avait pas d’autre nom) et une couverture grossière (qu’elle appelait « cape » par euphémisme).

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