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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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pour être entendu de tous, que cela se voyait et se sentait aussi.
    «Ça sent la punaise à plein nez», avait-il ajouté.
    Son voisin pouffa de rire, malheureusement un peu trop fort pour ne pas être entendu d’Émilie qui passait justement à côté de lui, traînant Charlotte par la main afin de la conduire dans ses quartiers. Elle donna une violente tape sur le pupitre. Le rieur sursauta, rougit et finalement blêmit.
    «C’est assez!» grinça Emilie.
    Elle monta au second avec Charlotte pour l’isoler du groupe. Rendue à la dernière marche de l’escalier, elle entendit clairement le grand Crête demander à la rondé s’ils n’avaient pas eux aussi l’impression qu’il commençait à pleuvoir. Émilie ne voulut plus rien entendre. Elle commanda à Charlotte de s’asseoir et de l’attendre. Elle redescendit en trombe. Les élèves se raidirent.
    «Ho! vous autres! Est-ce que quelqu’un peut me dire...» elle s’interrompit. Les épaules du grand Joachim se soulevaient sous des spasmes d’hilarité. Elle se propulsa vers ce dernier, se campa directement à sa lace et s’appuya les deux poings sur le pupitre sans le quitter des yeux.
    «Mon grand fou toi...»
    Joachim l’interrompit, apparemment très insulté.
    «Hey, la p’tite, monte pas sur tes grands ch’vaux parce que tu me fais pas peur.»
    Il se leva, la dépassant d’une tête, se mit les poings à la taille, se bomba le torse puis la dévisagea, lui retournant un regard identique à celui qu’elle lui servait. Emilie ne se contint plus. Elle contourna le pupitre, saisit l’oreille gauche de Joachim de sa main droite, la ceinture du pantalon de sa main gauche, lui donna un coup de genou dans l’arrière- train pour le mettre en marche et le dirigea au fond de la classe. Les enfants glacèrent. Ils n’avaient jamais vu Emilie Bordeleau perdre patience. Les filles étaient impressionnées, les garçons encore plus. Joachim ne comprit pas ce qui lui arrivait. Avant même de se rendre compte que la maîtresse le menait comme on mène un cochon à l’abattoir, il se retrouva à genoux à côté de la chaudière, la tête plongée dans l’eau souillée de poudre de craie et d’urine. Emilie la lui retira aussitôt, la main agrippée à sa chevelure, attrapa la guenille de l’autre main et la lui lança au visage.
    «Tiens, prends ça pour t’essuyer. Comme ça toi aussi tu vas sentir la punaise.»
    Elle l’abandonna à son hébétude et à sa rage et revint à la tribune. Elle se parlait à elle-même, s’exhortant à reprendre son calme. Voyant les yeux terrorisés des enfants, elle y parvint.
    «Ça fait deux mois qu’on a commencé l’année. Je voudrais qu’une chose soit claire une fois pour toutes. La personne qui mène ici, c’est moi. Pas Joachim Crête, même si Joachim a quatorze ans pis vous savez que moi j’en ai seize. L'important, c’est pas l'âge. (l’est le respect. Charlotte, c’est Charlotte. Je sais que vous comprenez ce que je dis. Est-ce que vous comprenez?»
    En choeur les enfants répondirent «oui mam’selle Bordeleau». Emilie enchaîna.
    «J’avais dit que pour la Toussaint il y aurait congé de devoirs pis de leçons. A cause de ce qui s’est passé aujourd’hui, je suis obligée de demander aux élèves de quatrième, cinquième, sixième et septième de me faire une composition d’au moins vingt lignes sur le respect. Ça tient aussi pour toi, Joachim Crête. Maintenant, vous allez prendre vos rangs en silence, enfiler vos bottes, vos manteaux, pis sortir. On se verra mercredi prochain.»
    Elle n’avait plus ajouté un seul mot, consciente du mécontentement général mais sachant fort bien que Joachim faisait l’objet de l’animosité. La classe se vida en un temps record et dans le silence le plus absolu. Contrairement à son habitude, elle n’accompagna pas les enfants à la porte. Elle se hâta plutôt de rejoindre Charlotte qu’elle entendait sangloter.
    «C’est fini maintenant, Charlotte, tu peux arrêter de pleurer. Enlève ton linge mouillé. J’vas le passer à l’eau pis le suspendre au-dessus du poêle. Si c’est pas sec quand mon père va arriver, j’vas te trouver quelque chose à mettre pis j’vas aller te reconduire.»
    Elle sortit un mouchoir de sa poche, moucha la petite, lui indiqua le coin pour se dévêtir et, pendant que Charlotte s’exécutait, s’efforça de ne pas regarder dans sa direction pour lui éviter d’être humiliée davantage. Charlotte

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