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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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lui apporta ses vêtements souillés et les lui tendit sans lever les yeux.
    «Sais-tu, Charlotte, commença Emilie quand elles furent redescendues, ça me rappelle que quand j’avais dix ans, j’ai rêve que je me levais pour aller faire pipi. Dans mon rêve, je m’étais levée pour aller au p’tit coin. Pourrais-tu deviner ce que j’étais en train de faire quand je me suis réveillée?
    —        Non», dit Charlotte d’un ton mal assuré.
    «Tu me promets que tu le diras jamais à personne?»
    Charlotte fit oui de la tête.
    «J’étais en train de faire pipi dans le tiroir de mon chiffonnier. »
    Émilie éclata de rire. Charlotte hésita puis l’imita. Émilie continua de lui parler tout en lavant ses vêtements. Elle lui raconta que jamais de sa vie elle n’avait été aussi gênée. Qu’elle avait eu la conviction que personne n’oublierait cet événement. Qu’elle n’avait pas six ans mais bien dix ans, elle, quand cela lui était arrivé. Charlotte avait cessé ses sanglots. Elle écoutait. Soudain, sans prévenir, elle faussa compagnie à Émilie et se dirigea à l’arrière de la classe. Émilie la suivit. Elle vit la petite Charlotte se pencher et ramasser ce qui lui sembla être son manteau. L’enfant se remit à pleurer.
    «Mon manteau est écœurant...»
    Émilie s’approcha et prit le manteau. Manifestement, il avait été roulé et caché sous les couvre-chaussures. Elle comprit la plaisanterie. Du Joachim Crête tout craché.
    «Pour moi, ton manteau est tombé.»
    Charlotte, désolée à la vue du vêtement froissé et maculé de boue, ne répondit pas. Émilie se releva, retourna à l’avant de la classe et invita Charlotte à la suivre.
    «Donne-moi cinq minutes. J’vas te le remettre beau comme neuf.»
     Elle le brossa vigoureusement, mis le fer à chauffer sur le poêle, tâta au passage les vêtements suspendus, puis s’occupa de presser le manteau. Charlotte s’était assise, prenant bien soin de baisser sa robe pour cacher la nudité de ses jambes.
    «J’vas me faire chicaner parce que ma mère va penser que j’ai bretté.
    —        Inquiète-toi pas, j’vas lui parler.»
    Emilie avait réussi à remettre le manteau en bon état, au grand soulagement de Charlotte. Émilie lui demanda de patienter, le temps qu’elle boucle ses valises. Charlotte la suivit comme un chien de poche. Émilie s’en amusa. La petite était timide. On le serait à moins, pensa-t-elle. Charlotte n’avait plus ouvert la bouche mais Émilie vit qu’elle jetait souvent un regard inquiet en direction de la fenêtre. Elle en devina la raison.
    «Je pense que mon père va être ici dans à peu près quinze minutes.
    —        Est-ce que mes caneçons vont être chessés dans quinze minutes?
    Émilie les tâta. Elle promit à Charlotte qu’ils le seraient. Charlotte lui sourit.
    Caleb soupira à la fois de fatigue et de satisfaction. Il venait d’engager   sa voiture sur le nouveau pont de bois qui enjambait la rivière Des Envies. Il aimait bien le chant des ponts de bois. Les sabots de sa jument résonnaient comme si dans chacun il y avait eu un vallon permettant un écho. Caleb hocha la tête en pensant à tous ces ponts de métal que les ingénieurs conduisaient. Depuis qu’ils avaient commencé la construction de ce pont noir à Montréal, depuis surtout qu’ils avaient vu les plans de cette horrible tour qu’ils érigeraient dans les vieux pays, ils ne juraient que par le métal, lequel, disaient-ils, surclasserait le bois. Caleb essayait de se convaincre qu’ils avaient tort, mais au fond, il savait qu’ils disaient probablement vrai. Il quitta le pont, tourna à droite et encouragea sa jument à franchir les deux derniers milles qui les séparaient de l’école d’Emilie. Ils s’engagèrent dans le rang du Bourdais. Caleb ne força pas sa bête, se contentant de la faire trotter légèrement, pendant qu’il regardait onduler les terres à sa gauche et à sa droite. Les cultivateurs de Saint-Tite travaillaient aussi fort que ceux de son village. Partout, la terre était exigeante.
    Caleb pensa à Emilie qu’il n’avait pas vue depuis la rentrée scolaire. Sa grande tête de mule faisait enfin la classe. Caleb lui en voulait un peu. Il ne s’était pas gêné pour le lui faire comprendre. Depuis son départ de la maison, Emilie leur avait écrit presque toutes les semaines. Célina lisait les lettres à haute voix et tous, grands et petits,

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