Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
en plein ça. Je commence à penser que vous autres vous la levez pour autre chose que le devoir. Moi, je l’ai levée le soir des noces, pis deux autres fois. Ma femme a pas l’air de se plaindre d’avoir un mari à sa place. J’ai pas vos problèmes, moi. Ma femme a pas eu besoin de dispense, moi. Ma femme récite pas des rosaires à tous les soirs, moi. Quand je la sers, ma femme dit pas non, moi.
    —        Tu l’as servie rien que trois fois?
    —        Trois fois, juré sur sa tête.
    —        Pis vous avez eu trois jeunes?
    —        Oui, monsieur. Pis trois gars à part de ça. »
    Ovila fronça les sourcils. Est-ce qu’il venait d’apprendre la raison pour laquelle il n’avait eu que des filles?
    «Qu’ossé que tu dis de ça, toi le grand? À l’entendre, on dirait que les gars c’est les enfants du devoir pis que les filles c’est les enfants du plaisir. Si ma mémoire est bonne, tu as trois filles, toi?»
    Ovila avala tranquillement les dernières gorgées de son verre et fit signe au garçon de remplir. Il s’essuya la bouche du revers de sa manche et sourit à son interlocuteur.
    «Je crois pas à ça.
    —        Tu veux dire que tu fais ça par devoir? Fais-moi rire! Tu as pas une tête à ça, pis ta femme non plus. Vous avez encore pris des p’tites vacances au lac?
    —        Pis? Ça dérange-tu quelqu’un ici?
    —        C’est pas ça qu’on dit...mais ta femme est encore pleine.
    —        C’est pas de vos ciboire d’affaires ça.
    —        Ben, on va voir. Si tu as un gars, on pourra croire que tu as fait ça par devoir. Mais si tu as une autre fille, on va commencer à croire ce que l’autre a dit.
    —        Vous croirez ce que vous voudrez. Moi j’ai pour mon dire que c’est quasiment scandaleux de vous entendre dénigrer vos femmes de même. Vous avez des bonnes femmes. Vous avez des enfants en santé. Je vois pas pourquoi vous trouvez encore le moyen de chiâler.
    —        Écoute, le grand, si tu aimes pas ça des conversations d’hommes, tu as juste à rentrer chez vous pis à écouter la belle Émilie parler des couches pis de la température. Nous autres on aime ça jaser. Si tu aimes pas ça, tu as rien qu’à te taire. »
    «C’est justement ça que je pensais. Bonsoir la compagnie!»
    Ovila monta dans sa calèche et essaya de lire l’heure. Neuf heures! Il regarda encore une fois, certain de s’être trompé. Ce fut pire. Il lut minuit. La trotteuse qui l’avait induit en erreur avait maintenant rejoint les deux autres aiguilles. Il grimaça. Émilie ne l’accueillerait certainement pas avec le sourire. Il pressa sa bête et arriva chez lui. Émilie était assise dans la cuisine, bien endormie dans sa berceuse, tenant encore son accordéon d’une main. Ovila se rendit compte qu’il titubait légèrement. Il essaya de contrôler sa démarche. Il s’approcha d’Émilie et lui frotta un épaule.
    «Hé...ma belle brume. Tu serais mieux dans le lit.»
    Émilie ouvrit les yeux, sourit à Ovila puis, se rappelant qu’il l’avait empêchée d’aller chez le médecin, se rembrunit. Elle détourna les yeux. Ovila lui enleva l’accordéon des mains et fit mine d’essayer de la soulever. Elle sauta sur ses pieds.
    «Touche-moi pas! Tu m’as fait poireauter comme une dinde. As-tu oublié que j’avais rendez-vous chez le docteur avec Rose pis Louisa?
    —        Oui, j’ai oublié. Excuse-moi, mais les hommes parlaient d’affaires tellement drôles que j’ai voulu tout entendre pour pouvoir te les répéter.
    —        Ça m’intéresse pas leurs maudites affaires. Ce qui m’intéresse, moi, c’est de voir mon mari avec tous ses esprits, pis de voir le docteur avec mes filles quand j’ai décidé qu’il fallait que je voie le docteur avec mes filles.»
    Elle n’ajouta plus un mot et se dirigea vers sa chambre à coucher. D’un regard, elle demanda à Ovila de jeter un coup d’œil aux filles. Il acquiesça, mais décida de lui laisser le temps de s’endormir avant de la rejoindre. Il était tellement mal à l’aise de l’avoir ainsi chagrinée qu’il n’avait pas le courage d’entendre plus de reproches. Il alluma sa pipe et se berça lentement. Il irait voir les filles avant de se mettre au lit.
    Il s’éveilla à trois heures du matin. La pipe était par terre et le tabac avait brûlé le plancher. Heureusement qu’il n’y avait pas de tapis

Weitere Kostenlose Bücher