Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
sacristie de l’église en une vaste salle d’urgence. Elles y accueillaient les religieuses et les quelques pensionnaires qui n’avaient pu retourner dans leurs familles pour le congé de la Toussaint. Au grand soulagement de tous, personne n’avait été blessé lors de l’incendie. Les choses auraient pu être fort différentes si le sinistre avait éclaté en pleine nuit. Plusieurs des victimes, quoique saines et sauves, étaient dans un état de choc. Certaines pleuraient doucement, d’autres sanglotaient bruyamment, d’autres enfin riaient aux éclats pour convertir leurs tremblements de peur en soubresauts d’hilarité.
    Emilie et Félicité avaient allumé le poêle de la sacristie et avaient fait bouillir de l’eau pour faire de la tisane à la menthe. Elles en servaient à tous ceux et celles qui en réclamaient, victimes ou volontaires. D’autres femmes de la paroisse avaient apporté ce qu’elles avaient pu trouver pour ravitailler tout ce monde. Certaines avaient des chaudronnées de soupe, d’autres de fèves au lard, d’autres encore de bouilli de légumes.
    En moins de trois heures, on avait accumulé vêtements et victuailles pour toute la population couventine. En moins de trois heures aussi, le couvent avait complètement disparu des rues de Saint-Tite. L’église était remplie de tous ses paroissiens, hommes et femmes, les premiers barbouillés de suie collée par la sueur, les secondes transpirant la fatigue et les efforts qu’elles avaient déployés à transporter tout le matériel à la sacristie.
    La soirée fut consacrée à organiser un campement de fortune. Un appel fut lancé pour loger les sans-abri dans les familles. Le campement de nuit servit surtout aux religieuses qui avaient refusé toutes les invitations, préférant demeurer ensemble, dans l’église, et remercier le Seigneur de leur avoir laissé la vie. Leurs concitoyens respectèrent ce choix. Les Pronovost et Emilie revinrent au Bourdais à la brunante. Emilie avait offert de loger deux des pensionnaires chez elle. Les Pronovost vinrent donc reconduire les trois filles avant de rentrer chez eux.
    Depuis cinq ans, Emilie ouvrait son école à des dizaines d’enfants. Quand à l’église on avait demandé des volontaires pour héberger les sinistrées, elle avait accepté de recueillir Aima et Antoinette. Elle n’avait pas réfléchi à son geste, mue plutôt par sa compassion. Elle n’avait pas non plus pensé qu’elle n’accueillait pas des enfants mais des jeunes filles. Elle les avait aidées à monter dans la voiture, mais leur avait peu parlé durant le trajet, soudainement mal à l’aise. Elle les avait regardées. Antoinette d’abord, petite, trapue, les cheveux retenus par un ruban, la bouche amère et l’œil vif. Puis Aima, soucieuse, l’air triste, pensive, lointaine, des traces de fossettes invisibles pour le moment mais sûrement jolies lorsque son visage s’éclairait d’un sourire.
    Émilie ouvrit la porte à ses «pensionnaires». Elles regardèrent l’école avec soulagement. Les pupitres bien alignés et l’ardoise les retransplantaient dans un décor familier. Le cœur d’Émilie se manifesta bruyamment. Il lui fallait maintenant les amener dans sa chambre. «Sa chambre». Il lui fallait dévoiler qui elle était, ses goûts, les heures passées à coudre et à décorer. Il lui fallait partager son petit coin de vie à elle, bien différent de la classe. Saisiraient-elles, d’un coup d’œil, à quoi elle rêvait? Trouveraient-elles l’endroit où elle conservait la lettre d’Ovila et celles d’Henri? Elle pensa qu’il était urgent qu’elle les rangeât dans un endroit sûr. Du coup elle avait perdu toute son assurance d’institutrice. Elle redevenait une fille comme ces deux filles qu’elle regrettait de voir sous son toit.
    Elles montèrent rapidement à l’étage. Emilie chauffa immédiatement de l’eau pour que toutes les trois elles puissent se tremper dans un bon bain. Les deux jeunes filles, qui avaient presque son âge, lui en furent reconnaissantes. Polies, elles offrirent à Emilie de se baigner la première. Emilie les remercia. Elle s’était demandé si les jeunes filles auraient cette délicatesse. Elle aurait été bien mal à l’aise de se laver dans la même eau que de pures étrangères. Elle prêta à chacune un vêtement propre et s’excusa de ne pouvoir leur fournir de robes de nuit. Elle n’en avait que deux. Elle portait la première et

Weitere Kostenlose Bücher