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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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lit. Cela fait, elle descendit et s’assit à son pupitre. Elle regarda la classe. Elle savait que cette année, elle aurait trente et un élèves. Jamais encore elle n’avait dépassé les trente. Cela l’inquiétait un peu. Elle avait dû demander des pupitres supplémentaires aux commissaires qui lui avaient promis qu’elle les aurait pour la rentrée. Elle verrait monsieur Pronovost pour s’assurer qu’on viendrait bien les lui porter le lendemain, la rentrée étant fixée au surlendemain. Elle demeura à sa place, son regard fixant tout et rien dans sa classe. Tantôt elle regardait une des fenêtres qui était fêlée depuis le mois de mai. Tantôt elle fixait la planche à clous qui avait l’air abandonnée. Prenant conscience de l’heure, elle monta à sa chambre et s’assoupit rapidement. Elle rêva d’Henri. Ils étaient tous les deux dans une chaloupe sur une mer déchaînée.
    Le matin la trouva presque en forme. Elle s’était vêtue et coiffée avant de se rendre chez les Pronovost s’assurer de la livraison des pupitres supplémentaires. Monsieur Pronovost se tapa le front. Il avait complètement oublié. Il demanda à Émilie si elle voulait l’accompagner jusqu’au village. Il y avait sûrement des pupitres qui étaient disponibles dans l’école du rang Sud. Émilie serra les dents. Elle aurait eu bien d’autres choses à faire. Néanmoins, elle accepta. Ils convinrent de partir aussitôt que Dosithée pourrait se libérer.
    Il vint la chercher à la porte de l’école. Elle l’en remercia, lui assurant qu’elle aurait facilement pu marcher la courte distance entre l’école et sa maison. Ils avaient à peine roulé depuis cinq minutes qu’il virent la maison commencée un an plus tôt. Dosithée soupira.
    «Je pense que ça aurait été une belle maison. Astheure, j’ai pus le cœur de la finir. Je voudrais pas me plaindre, mais depuis que j’ai commencé à acheter la terre du père Mercure, Lazare a recommencé ses crises, Ovide est attaqué aux poumons, j’ai failli perdre ma femme, j’ai enterré un quatrième enfant, pis Ovila est parti comme un coup de vent sans rien nous dire. Vous, sauriez-vous pourquoi Ovila est parti?» Emilie fui giflée par cette question. Elle n’avait pas compris le ressentiment des Pronovost face à leur fils. Maintenant, tout s’éclairait. À eux non plus, il n’avait rien dit.
    «Comment voulez-vous que je le sache? Ovila...Ovila est un...euh...bien drôle de garçon. J’aurais quand même aimé avoir de ses nouvelles.
    —        On pensait qu’il vous écrirait.
    —        Ah oui? Pourquoi?» Elle n’était pas aussi étonnée de cette remarque qu’elle aurait voulu le faire croire.
    «Ben, mam’selle, c’est un secret pour personne qu’Ovila vous a toujours trouvée de son goût. En tout cas, c’est pas un secret pour moi. »
    Il garda le silence pendant quelques minutes. Émilie ne voulait surtout pas lui dire qu’il avait eu raison. Il enchaîna.
    «Aussi bien vous l’avouer. Moi, j’avais espéré que vous... qu’un jour vous...en tout cas. J’avais pensé à Ovide, mais...Pis j’avais pensé qu’Edmond, mais...Lazare, lui, j’y avais pas pensé. Ovila, même si je savais qu’il était un peu plus jeune, je me disais que peut-être que...En tout cas... On peut pas dire que mes gars, c’est des marieux...»
    Émilie n’avait pas parlé. Elle revivait les avances discrètes d’Ovide, les attentions particulières d’Edmond et enfin les déclarations d’Ovila. Elle ne sentit même pas qu’une larme sans fin lui baignait la joue. Dosithée ne le remarqua pas non plus.
    «Ovila vous a rien dit cet été? demanda-t-elle finalement.
    —        Non, pas un mot. Il a passé ses soirées à l’hôtel Brunelle, pis ses journées à gosser son éternel p’tit bout de bois. J’avais espéré qu’il était revenu pour de bon, mais c’était pas ça. La terre, ça l’intéresse pas. Ça laisse pus grand relève pour le père. Il reste Emile, pis Oscar pis Télesphore, pis Edmond. Mais Edmond aime pas mal plus l’élevage des ch’vaux que la culture. On peut pas vivre rien que de ça sur la ferme.»
    Emilie se demandait pourquoi elle avait droit à toutes ces confidences. Elle ne voulait pas commenter ce qu’il venait de dire. Elle le sentait terriblement triste. Sensible à sa tristesse à lui, elle n’avait pas senti la sienne reprendre sa place dans sa poitrine et ses poumons, lui coupant

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