Les reliques sacrées d'Hitler
Et contrairement à ce que pensait Thompson, ces antiques trésors pangermaniques faisaient autant partie de lâidentité nazie que les rues pavées autour de la place du marché de Nuremberg ou les cérémonies minutieusement mises en scène lors des congrès du parti nazi. Avec la couronne, le sceptre, lâorbe et les glaives, ils constituaient les trésors sacrés du Saint Empire romain germanique, ce quâHitler appelait le I er Reich, des trésors que lui et ses intimes considéraient comme étant ceux du nouveau « III e  » Reich de lâAllemagne, dit aussi « Saint Reich ».
Les mots saint et Reich nâallaient pas vraiment ensemble. En tout cas, aucun chrétien digne de ce nom nâaurait osé les accoler. Les découvertes macabres faites à Dachau étaient la preuve indéniable des obsessions démoniaques des nazis. Mais on ne pouvait pas se contenter de savoir pourquoi et comment ces trésors ecclésiastiques étaient arrivés dans le bunker, ce dont Thompson nâétait pas du tout conscient. De la même manière, la disparition des joyaux de la Couronne ne se limitait pas à une simple perte dâor, dâargent et de pierres précieuses.
Horn se serait volontiers lancé dans un discours qui aurait fait le plus grand bien à son collègue de lâarmée, pour lui rappeler ce quâavait fait Hitler pour gagner la confiance de millions dâAllemands catholiques et protestants. Tromperies, propagande, intimidations, meurtres, rien nâavait été épargné dans la création du III e Reich, sans compter le rôle joué par lâinsupportable situation économique après la Première Guerre mondiale. Thompson se trompait en croyant que les atrocités commises contre les Juifs et la persécution de lâÃglise catholique romaine relevaient de gens qui se considéraient comme païens. Des livres de cantiques et des rosaires avaient été retrouvés au milieu de jouets dâenfants dans les enceintes protégées où vivaient avec leurs familles les bureaucrates des camps de la mort et les surveillants des crématoires. Le Mein Kampf dâHitler avait été édité par un prêtre catholique, et Julius Streicher, non content dâavoir été le propagandiste antisémite vedette du Reich, avait enseigné dans une école élémentaire à Nuremberg, et il était lâauteur de livres pour enfants racontant de manière fantaisiste lâhistoire de lâAllemagne et la vie des martyrs chrétiens.
Les idéologues du Führer ne cherchaient pas à éliminer Dieu, ils voulaient promouvoir leurs théories perverses concernant une chrétienté aryenne, lâhistoire germanique et la domination. On ne pouvait pas établir de frontière entre les trésors ecclésiastiques et les insignes de lâempereur. Ces « choses », selon le terme de Thompson, étaient toutes des symboles sacrés de la continuité du Reich et de la succession dynastique des empereurs romains germaniques.
Mais ce nâétait pas le moment dâen discuter. Horn remit son exposé à plus tard dans la soirée. Comme point de départ il choisirait la plus célèbre des reliques de la Passion, qui était fondamentale pour comprendre la signification profonde de la collection des objets dâart du Saint Empire, celle sur laquelle le soldat Hüber avait attiré lâattention de Horn, et que Thompson, fouillant dans une autre caisse, sortit dâune boîte délicatement sculptée. Le capitaine sâempara du fer de lance long de cinquante centimètres que lâon disait avoir transpercé le flanc du Christ. Le soulevant de son coussin de velours, il le pointa sur Horn comme il lâaurait fait avec une baïonnette.
« Elle nâest certainement pas authentique, nâest-ce pas ? » demanda Thompson.
Horn nâavait jamais vu de ses yeux la légendaire lance de Longin. Surtout, il nâavait jamais rêvé quâun jour il la tiendrait entre ses mains. Ce qui fut le cas quand il la prit avec précaution de celles de Thompson pour la remettre dans sa boîte. Horn décrirait plus tard cette expérience à ses étudiants à Berkeley : la Sainte Lance était plus lourde
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