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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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précédé, visiter les provinces de son royaume, tant est que fort peu
mécontent, de reste, de s’éloigner du Louvre et de la petite Espagne, il accepta
avec allégresse l’invitation d’aller passer quelques jours dans le château de
son favori. En fait, il y séjourna plus d’un mois, du onze septembre au
vingt-six octobre, et y fêta l’anniversaire de ses dix-sept ans.
    Je fus du voyage et, tout du même, me demandai ce que le roi
faisait là (et nous aussi) quand le quinze septembre, à ma grande joie et
surprise, la petite reine arriva avec une suite réduite – Dieu
merci ! – à sa plus simple expression. Et comme il me parut
impossible que Luynes l’ait invitée sans que le roi y consentît (et comment
eût-il pu refuser cette requête, puisque l’épouse de son favori suivait partout
la reine ?), j’entendis que Luynes avait adroitement organisé ce bec à bec
du couple royal, comme déjà en 1616 celui d’Amboise, dans l’espoir de
rapprocher les deux époux. Toutefois, quand Anne d’Autriche descendit de son
carrosse, Louis assurément la reçut avec la plus grande courtoisie, mais sans
que son visage trahît le moindre émeuvement.
    Luynes redoubla d’efforts. Lesigny ne comportant pas de
chapelle, il fit ériger un autel dans les appartements de la reine, tant est
que pour ouïr la messe – ce à quoi Louis ne faillait jamais tous les jours
que Dieu fait –, il dut le faire au côté de sa reine dans deux chaires à
bras également chamarrées. Je ne pouvais voir le couple royal tant qu’il était
assis, mais dès qu’il se levait, je n’avais pas assez d’yeux ni de regards pour
l’observer. Je les trouvais l’un et l’autre fort jeunes et fort beaux, bien
qu’ils fussent juxtaposés, plutôt que véritablement ensemble. Anne, il est
vrai, jetait quand et quand à son mari de petits coups d’œil furtifs, mais cet
aimant restait sans force sur cette limaille-là et pas une fois Louis ne tourna
la tête vers elle. Ainsi se tenaient debout, devant la petite cour de Lesigny,
et suscitant la pitié plutôt que la dérision, ce roi vierge et cette reine
pucelle, qui n’étaient mari et femme que pour l’Église. Pourtant, s’ils oyaient
la messe côte à côte, c’était bien dans l’esprit de Luynes pour que Louis se
ramentût qu’il avait fait le serment devant le Très-Haut d’aimer et d’honorer
sa femme.
    Mais tout fut vain, y compris les messes quotidiennement
écoutées l’un près de l’autre. À peine le chapelain avait-il prononcé Vite
missa est que Louis prenait congé de sa femme et partait en carrosse ou à
cheval, soit qu’il allât visiter les alentours, soit qu’il chassât.
    La Brie étant un pays qui ne faille point, comme j’ai dit,
en étangs et en rivières, Louis, pour une fois, ne courut pas le cerf, mais
s’amusa à aller sur l’eau en barque, et là, il tirait à l’arquebuse les poules
d’eau que l’embarcation faisait s’envoler devant elle. Mais trouvant l’exploit
indigne de lui, il préférait parfois, sur la terre ferme, viser des oiseaux
plus petits avec une arbalète qui tirait, non des carreaux, mais des jalets [19] . Je me souviens m’être émerveillé de
son adresse quand, enfant, et visant de sa couche, il ne lui fallait pas plus
d’un jalet pour atteindre et éteindre sa chandelle en ne touchant que la mèche.
Mais ce jour d’hui, je regardais ces petits oiseaux choir des branches avec un
sentiment de tristesse. Il me semblait qu’on eût mieux fait, en ses enfances,
de lui apprendre, ou de lui permettre d’apprendre à aimer de corps et d’âme le gentil
sesso plutôt que l’instruire à ces petits massacres en lui laissant croire
que c’était par là qu’on devenait un homme.
    Comme toujours, le roi ne se ménageait guère dès qu’il
chassait, couvrant à pied des lieues, ne tenant aucun compte de sa fatigue, de
la faim, des intempéries. Je l’ai vu revenir à Lesigny à la nuit tombée,
épuisé, mouillé comme un caniche, et refuser de se laisser essuyer. Toutefois,
au milieu du jour, s’il tombait sur une maison hospitalière et bien garnie, il
se jetait comme rapace sur les viandes. Je l’ai vu, en une de ces occasions,
dévorer à la queue leu leu dix pigeonneaux en ne laissant que les os tout à
plein récurés. Le soir, l’estomac lourd, il jeûna. Il arrivait, bien entendu,
que la nature lui fit payer roidement ses mangeailles gargantuesques. Je l’ai
vu un soir assis devant le feu tout

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