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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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assis par terre, hébété, tandis que ses comparses, soudainement calmés, ne savent pas comment réagir. Ils n’osent ni protester contre le chevalier, ni s’esquiver. Dominique, resté face contre terre, continue de psalmodier dans la poussière :
    Là où il y a le doute, fais-moi mettre la foi
    Là où il y a les ténèbres, fais-moi mettre la lumière
    Touvenel voit avec satisfaction l’un des jeunes cathares qui n’avait pas participé à l’hystérie collective se pencher sur le moine et l’aider à se remettre sur pied, en s’inquiétant de son état. Mais Dominique, trop exalté pour lui répondre, psalmodie de plus belle en regardant le jeune homme droit dans les yeux :
    Gloria in excelsis Deo
    Et in terra pax hominibus bonae volontatis
    Laudamus te, gratias agimus tibi
    C’est en donnant qu’on reçoit
    C’est en s’oubliant qu’on trouve
    — Et c’est en disparaissant qu’on reste vivant ! l’interrompt Touvenel.
    Il écarte le jeune cathare, prend le moine par le bras et l’entraîne fermement dans la rue qui conduit de la place du bourg à la campagne, tout en lui conseillant à voix basse :
    — Disparaissez, saint homme ! Cela vaudra mieux pour tout le monde.
    Dominique proteste.
    — Mais je suis venu dans un esprit de paix !
    Il veut se dégager. La poigne du chevalier l’en empêche.
    — Dites-vous alors, pour vous consoler, que ce ne devait pas être votre jour !
    À la limite du village, il lui désigne au loin les contreforts des plateaux et la garrigue déserte.
    — La nature sauvage vous sera plus accueillante aujourd’hui que la société des hommes. Vous méditerez bien mieux sur la fraternité humaine dans la solitude. Le vent y porte plus facilement les paroles de paix jusqu’au Seigneur que lorsqu’elles sont prononcées chez ceux qui ne sont pas en état de les entendre.
    — Il serait bon pourtant que ces jeunes âmes m’écoutent. C’est notre bien à tous que je veux.
    — Sans doute ne l’ont-ils pas compris. Il faudra donc attendre un peu pour les en convaincre.
    Dominique hésite. Il jette un coup d’œil vers la place de Savignac, comme s’il avait envie d’y revenir prêcher. Le visage de Touvenel se fait plus dur, sa voix plus basse et plus sifflante.
    — Disparaissez, je ne vous le répéterai pas ! Ou c’est avec mes pieds que je vais vous expliquer ma religion. Et je n’aimerais pas commettre un tel sacrilège, surtout sous les regards de ces jeunes gens. Convenez que ce serait peu édifiant pour eux.
    Dominique ferme les yeux et semble s’absorber en lui-même, comme pour se calmer. Puis, sans un regard pour Touvenel, il s’éloigne dans la campagne. Le chevalier le suit des yeux, pour s’assurer qu’il ne va pas changer d’idée, avant de revenir vers la place du village où l’attendent Amaury et ses comparses. Constance les a rejoints, et un groupe de villageois les entourent. Au jeune homme qui garde la tête baissée, Touvenel reproche aussitôt son fanatisme aveugle.
    — Ignores-tu les principes sacrés de ta religion, et les promesses faites à ton père de ne jamais attaquer, mais toujours te défendre ? Et vous, demande-t-il aux autres, ne pouviez-vous pas l’arrêter dans sa fureur, au lieu de l’exciter davantage ?
    Constance considère son frère d’un œil sévère. Comme il ne répond rien et garde les yeux obstinément baissés, elle renchérit :
    — Vas-tu répondre, à la fin ! Explique-nous ce qui t’a pris.
    Amaury relève la tête. Il voudrait parler, mais il aperçoit Yasmina, descendue elle aussi sur la place. Elle le regarde, l’air surpris. Le rouge de la honte lui monte soudain aux joues. Incapable de s’exprimer, il se sauve en courant.

19.
    — Faites dégager le chemin, nous sommes pressés ! ordonne le moine cistercien au chef des hommes d’armes qui lui font escorte.
    En haut de la côte, coiffé d’un bonnet violet et revêtu d’une cape frappée d’une croix noire passée sur sa robe de bure, le légat du pape dresse au-dessus de lui sa hampe de commandement à manche d’ivoire et croix d’or. Il s’impatiente devant la résistance de ceux qui le retardent. Le chef des soldats se dirige vers le groupe de paysans qui leur barre le chemin.
    — Allons, vilains ! Laissez la voie libre !
    Les paysans restent attroupés autour d’une charrette attelée, chargée d’une malle pleine de tissus et de vêtements, à côté de laquelle gît le cadavre d’un homme.

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