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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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Derrière le légat patientent les moines cisterciens qui l’accompagnent dans tous ses déplacements. Ils voudraient bien connaître la raison d’une telle curiosité.
    — Monseigneur !
    Le légat se retourne vers un curé suivi par des paysans.
    — Monseigneur, laissez-moi le temps de distribuer les vêtements de ce marchand juif à mes pauvres avant de l’inhumer.
    Le légat jette un coup d’œil sur le groupe d’hommes aux habits misérables et s’étonne :
    — Si c’est un juif, tu sais bien qu’il ne peut être enterré en terre chrétienne.
    — Je l’ai converti avant sa mort, monseigneur, et devant témoin.
    — Était-il usurier ?
    — Oui, monseigneur.
    — A-t-il restitué les profits de son usure ?
    — Non. Il avait donné ses biens à un changeur qui a disparu.
    — Alors, c’est un péché mortel et je te répète qu’il ne peut pas être enterré en terre chrétienne.
    Les paysans qui entourent le légat semblent mécontents de sa réponse. Sentant que la situation lui est favorable, le curé insiste :
    — Sauf votre respect, monseigneur, il faut l’enterrer là où notre sainte mère l’Église nous le conseille.
    — Ta sainte mère l’Église, c’est moi, réplique sèchement le légat. Je suis Pierre de Castelnau, le légat du pape, et je pourrais bien t’excommunier si tu continues tes insolences…
    Il accorde un regard condescendant aux paysans.
    — … Et vous tous avec lui, si vous refusez de m’obéir et demeurez au milieu du passage.
    Sentant qu’il est allé trop loin, le curé s’agenouille, tête basse, en se signant. Les paysans l’imitent et ôtent leur coiffe respectueusement.
    — Votre Excellence a bien raison ! proclame une voix dans le dos de Castelnau.
    Le légat découvre un moine qui a dévalé la pente et fait le tour de sa monture avant de se poster près de la charrette.
    — Toi ici, Stranieri ! Je te trouverai donc toujours sur mon chemin, soupire-t-il, partagé entre l’agacement et l’amusement.
    — Excellence, j’ai une meilleure idée que celle de la contrainte pour vous satisfaire et débarrasser au plus vite le chemin devant vous.
    — Ah oui ? Et laquelle ?
    Stranieri désigne le cadavre du juif.
    — Il est écrit dans un livre saint dont j’ai oublié le nom, que la seule façon de décider de la sépulture d’un juif était d’en laisser le choix à son âne. Posez donc le corps du mort sur cet animal et voyez la volonté de Dieu, ajoute-t-il à l’adresse des paysans. Là où il s’arrêtera, vous l’enterrerez. Cela vous convient-il, Excellence ?
    Le légat et Stranieri s’affrontent un moment du regard. Castelnau finit par hocher la tête avec un sourire amusé. Le curé et ses ouailles exécutent aussitôt les consignes de l’étrange moine. L’âne se met en marche avec son macabre chargement. Les paysans le suivent, sans oublier d’emporter avec eux le coffre aux vêtements, tandis que les hommes d’armes de Castelnau déblaient le chemin en poussant la charrette sur le bas-côté.
    — Tu es parfois de bon conseil, il faut le reconnaître, concède le légat à Stranieri.
    — Disons qu’étant d’un tempérament pratique les disputes théologiques m’ont toujours paru de mauvais augure lorsque j’étais pressé.
    Une fois de plus, Castelnau ne peut s’empêcher de sourire.
    — J’essaierai de m’en souvenir. Nos chemins se croisent-ils par hasard, ou étais-tu à ma recherche ?
    — Vous sachant dans la région, il m’a semblé naturel de vous saluer et prendre de vos nouvelles.
    — C’est donc le Saint-Père qui t’envoie ?
    — Qui d’autre voudriez-vous ?
    — Et comment m’as-tu trouvé ?
    — On m’a renseigné au château d’Aguilar. Mais vous l’aviez quitté et j’ai mis une dizaine de jours pour vous rejoindre.
    Castelnau scrute le visage impassible de Stranieri, dont seuls les yeux laissent percer une lueur ironique.
    — Va droit au but. Pourquoi me cherches-tu ?
    — J’ai à vous parler.
    — De quoi ?
    — De presque rien. Juste quelques questions à vous poser. Mais c’est assez confidentiel, ajoute-t-il en jetant un coup d’œil sur ceux qui les entourent :
    — Avec toi, je m’en doute.
    — Pouvez-vous m’accepter un moment dans votre équipage ?
    — Es-tu seul ?
    Stranieri fait signe que non et lui montre une charrette à l’arrêt, un peu plus loin, et frère Yong à son bord.
    — Ah ! toujours ton petit homme

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