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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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obligée de se jeter sur lui pour l’empêcher de faire du visage de l’homme une bouillie sanglante. À l’autre bout de la clairière les cris de fureur et de frayeur s’échappent toujours du cercle des cavaliers blancs.

6.
    Après un voyage de retour tout aussi périlleux que celui de l’aller, frère Stranieri et frère Yong retrouvent avec soulagement le palais du Latran et la cité vaticane. Ils s’arrêtent un instant pour les contempler du haut de la colline sur laquelle débouche la route de Civitavecchia qu’ils ont suivie le long de la côte. Frère Stranieri prend une grande inspiration.
    — Je n’aime rien tant que respirer cet air frais du petit matin romain, lorsque le ciel est dégagé et que le soleil se lève à peine sur la cité. Fais comme moi, Yong ! Inspire profondément. On pourrait presque se croire enveloppés d’une présence divine.
    Bien campés sur les deux derniers chevaux de louage qu’on leur a fournis à Pise et qui les ont portés jusque-là, Yong et Stranieri restent un long moment à respirer de tous leurs poumons, puis se signent et dévalent la pente qui les conduit au palais papal.
     
    Le cardinal Ambrogiani les accueille et les conduit aussitôt à Innocent III, impatient de s’entretenir avec le chef de ses services secrets. Le pape passe son bras autour des épaules de son camarade d’enfance.
    — Tu arrives à point. Je n’ai pas eu le temps de prendre ma collation du matin. Allons déjeuner en intimité. Je vais te faire découvrir le triclinium de Léon III. Les travaux viennent enfin de s’achever. Cela sent encore la peinture fraîche, mais c’est supportable, tu verras. Nous pourrons y causer en toute tranquillité.
    En pénétrant avec lui dans les lieux, Stranieri marque un temps d’arrêt, impressionné par la voûte de l’abside. Innocent III affiche un sourire de contentement.
    — Qu’en dis-tu ?
    — Magnifique ! concède Stranieri, pourtant moins porté que son ami sur les œuvres d’art.
    — Admire la finesse de ces cubes de marbre, de ces pierres précieuses. Et le fond d’or ? J’ai voulu des couleurs éclatantes pour donner aux fidèles un aperçu du royaume céleste.
    Le regard de Stranieri s’attarde sur le sujet qui décore la partie semi-circulaire de la grande pièce : Charlemagne y est représenté, agenouillé entre deux moines en robe de bure devant le pape Léon III, qui lève la couronne impériale au-dessus de sa tête.
    — Tu as bien fait de mettre les choses à leur place et d’indiquer ta préséance sur les empereurs et les rois.
    — «  Oderint, dum metuant !  » Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent !
    — Et à quoi cette salle va-t-elle te servir ?
    — À mes entretiens à bâtons rompus avec les grands de ce monde. Mais d’homme à homme. Ni conseillers, ni ambassadeurs, ni cardinaux autour de nous. C’est pourquoi il m’a paru souhaitable que tous aient devant leurs yeux, dès qu’ils entrent dans cette salle, l’image de la sujétion du plus grand des empereurs à notre sainte Église.
    Des valets ont dressé le plateau d’une longue table sur une estrade de bois sculptée. Ils l’ont recouverte d’une fine nappe de lin blanc et y ont disposé plats et assiettes en étain, cruches en terre cuite pour le vin, poteries vernissées, gobelets, corbeilles de fruits secs et frais, assiettes rectangulaires pour y déposer tranchoirs à pain et cuillères en argent.
    Le pape les congédie rapidement et referme la porte sur eux, en donnant quelques tours de loquet pour être sûr de ne pas être importuné. Il fait signe à Stranieri de s’asseoir en face de lui.
    — Donne-moi d’abord des nouvelles de cette malheureuse Ingeburge.
    Stranieri est saisi de voir que la première pensée d’Innocent III n’est pas pour le résultat politique de sa mission auprès de Philippe Auguste, mais pour les affaires amoureuses de la reine de France. Il s’assoit et a du mal à masquer son incrédulité. Se taillant sur son tranchoir à pain un morceau de pigeon, il trempe l’aile dans une sauce brune et épaisse et la suce avec délectation.
    — Les choses en sont toujours exactement au même point, Lotario. Elle est enfermée à Étampes, gardée comme une criminelle d’État, et le roi n’a plus aucun contact avec elle.
    — Une criminelle d’État ! As-tu conseillé à Philippe d’essayer au moins une fois de reprendre avec elle l’œuvre selon la

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