Lettres - Tome II
clairement que tout dans son décret ne vise… » Dans un autre passage encore : « Mais méfiez-vous, épiez-le, en l’écoutant et maintenez-le dans le chemin de la discussion sur l’illégalité… » Comparaison qu’il aime au point de la reprendre : « Mais, comme dans les hippodromes, maintenez sa course dans le chemin de l’affaire… » Ceci est-il plus prudent et plus mesuré : « Mais vous, vous nous faites de nouvelles blessures… ou l’arrêtant comme un pirate qui navigue à travers votre gouvernement… » et tant d’autres passages ?
Je m’attends que certains endroits de cette lettre, tels que « le gouvernail gémit » et « presque l’égal des dieux de la mer », soient criblés par vous des mêmes notes que ceux dont je prends la défense. Car je m’aperçois qu’en voulant demander grâce pour les fautes passées, je suis retombé dans les défauts mêmes que vous aviez notés. Mais criblez tant que vous voudrez, pourvu que, dès maintenant, vous me donniez un jour où nous puissions discuter de vive voix et mes anciennes audaces et les nouvelles. Ou vous me rendrez timide, ou je vous gagnerai à la témérité. Adieu.
XXVII. – C. PLINE SALUE SON CHER PATERNUS.
Importance de l’histoire.
Quelle est la puissance, la dignité, la majesté, la divinité enfin de l’histoire, je l’ai senti souvent, mais jamais plus vivement que dans une circonstance récente. Quelqu’un avait lu en public un ouvrage plein de sincérité et en avait réservé une partie pour un autre jour. Voilà les amis de ce quelqu’un le priant et le suppliant de ne pas donner lecture du reste. Tant ils avaient honte d’entendre le récit de ce qu’ils avaient fait, alors qu’ils n’en avaient point eu de faire ce qu’ils rougissaient d’entendre raconter. Notre auteur accorda ce qu’on lui demandait ; il le pouvait sans manquer à la vérité. Cependant l’ouvrage, aussi bien que l’action demeure ; il demeurera et sera lu toujours, d’autant plus qu’il ne l’est pas sur-le-champ. Car la curiosité des hommes est excitée par la longueur de l’attente. Adieu.
XXVIII. – C. PLINE SALUE SON CHER ROMANUS.
Les trois lettres.
J’ai enfin reçu vos lettres, mais trois à la fois, toutes pleines de charme, toutes d’une tendresse exquise, et telles qu’elles devaient m’arriver de vous, surtout après avoir été longtemps attendues. Dans l’une vous me chargez d’une commission très agréable, de faire remettre votre lettre à Plotine, cette femme si digne de respect. Ce sera fait. Dans la même vous me recommandez Popilius Artémisius. J’ai satisfait immédiatement à son désir. Vous m’annoncez aussi que vous avez cueilli de maigres vendanges. Je partage avec vous, quoique dans des contrées bien différentes, les mêmes regrets.
Dans la deuxième lettre vous me dites que tantôt vous dictez, tantôt vous écrivez des ouvrages qui me rendent présent à vos yeux. Je vous en remercie ; je vous en remercierais davantage, si vous aviez bien voulu me faire lire ces ouvrages mêmes que vous écrivez ou dictez. Car il aurait été juste que, vous connaissant mes écrits, moi j’eusse communication des vôtres, même s’ils ne m’étaient pas consacrés. Vous me promettez en finissant qu’aussitôt que vous aurez une certitude sur mon plan de vie, vous vous évaderez de toutes vos affaires domestiques et vous envolerez aussitôt vers moi, qui en ce moment même vous prépare des entraves que vous ne réussirez à briser à aucun prix.
La troisième m’apprenait qu’on vous a remis mon plaidoyer pour Clarius {85} et que vous l’avez trouvé plus développé que le jour où je l’ai prononcé et où vous l’avez entendu. Il est en effet plus développé ; car j’y ai ajouté beaucoup postérieurement. Vous me dites encore que vous m’avez envoyé une autre lettre écrite avec plus de soin, et vous me demandez si je l’ai reçue. Je ne l’ai pas reçue et je suis impatient de la recevoir. À la première occasion envoyez-la donc, sans manquer d’y joindre les intérêts, que je vous compterai (puis-je y mettre plus de modération ?) à douze pour cent. Adieu.
XXIX. – C. PLINE SALUE SON CHER RUSTICUS.
La critique indulgente.
S’il vaut mieux exceller en une chose que d’être médiocre en plusieurs, du moins vaut-il mieux être médiocre en plusieurs, quand on ne peut exceller en une seule. Guidé par cette règle je
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