Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
Vom Netzwerk:
l’Enfer sont en lui si librement. Il est
beau quand il parle et quand il rit parce qu’il n’a jamais éprouvé ni pitié ni
doute. Je ne suis pas assez morte, en effet, pour ne pas voir l’horreur de ce
qu’il fait. Il se damne, à ravager les Juiveries. Il dit qu’un ange lui est
apparu en rêve et lui a ordonné de le faire. Ce n’est pas vrai, mais il le
croit. Oui, il mourra honteusement, et sans doute me faudra-t-il le suivre dans
l’au-delà pour veiller sur son âme, car je suis sa seule bonté, et si je ne me
tenais pas à son côté le jour du Jugement dernier, que dirait Dieu de lui ?
    Novelli la regarda longuement avec un sourire noir et une
grande confusion d’idées en tête. Stéphanie devina le soupçon de coucherie
incestueuse qu’il traînait depuis la veille. Alors elle sourit elle aussi. Elle
dit :
    — Non, mon frère n’a jamais posé ses mains sur mon corps.
Mais tous les soirs je lui caressais la figure pour qu’il s’endorme en paix.
    Jacques sembla soudain se réveiller d’un songe. Le cardinal
Novelli l’avait contraint de répondre pareillement, tout à l’heure. « Je
suis aussi détestable que ce vieux paillard, se dit-il, mais elle n’est pas
blessée comme je le fus. Les nuits du cœur ne l’effraient pas. » Elle
était toute railleuse, maintenant, malgré ses larmes. Il ne s’en offusqua pas, au
contraire : il se sentit content de n’avoir plus à la suspecter. Il lui
dit qu’il allait, ce jour même, se préoccuper de la faire sortir de prison, où
il n’avait aucune raison de la laisser : elle n’était ni criminelle ni
hérétique, grâce à Dieu. Il lui interdit, cependant, de quitter Toulouse, car
il désirait encore l’interroger sur la folie du Hongre et la misérable aventure
des Pastoureaux. Comme elle lui faisait remarquer qu’elle n’avait, en cette
ville, aucune maison où aller, il lui proposa, le cœur battant, de l’accueillir
dans son couvent des frères prêcheurs. On y avait besoin d’une servante. Elle
logerait au grenier, où dormaient parfois des voyageurs détroussés que les
frères recueillaient au hasard des églises. Alors elle lui demanda ce qu’il
adviendrait de ses compagnons emprisonnés avec elle.
    — Ils subiront le sort de leur maître, dit-il. Ils
seront libérés si ton frère fait pénitence, et si monseigneur le pape lui
accorde son pardon. S’il s’obstine dans sa folie, ils resteront en prison.
    — Je ne suis pas moins misérable, de cœur et de corps, que
ces pauvres gens, répondit Stéphanie. Ils sont aussi mes frères. Pourquoi donc
me séparer d’eux ?
    — Il est vrai que tu es crasseuse, fille. Mais ces
vagabonds ne sont pas de ta famille. Ils ont pris plaisir à troubler l’ordre. Pas
toi : tu as suivi le Hongre avec le seul désir de l’éloigner du diable. C’est
ce que tu m’as dit.
    — Si vous considérez qu’ils ont fait du mal au monde, monsieur
l’inquisiteur, les voilà jugés avant l’heure.
    — Non, fille. Nul ne peut décider de leur sort avant de
savoir s’ils ont agi par méchanceté ou par piété mal ficelée.
    — Ou par souffrance grave. Dieu le sait.
    — Il nous inspirera.
    — Il vous dira qu’il faut leur pardonner, car ils sont
des enfants.
    Son air émut grandement Novelli. Cette fille avait encore
beaucoup à espérer de lui. Il s’en alla, jubilant secrètement et appelant les
gardes pour leur ordonner de conduire Stéphanie à son couvent. Comme il
franchissait le seuil, il l’entendit crier au loin, sous la voûte de la
chapelle :
    — Pour juger sans faute, monsieur l’inquisiteur, il ne
faut pas avoir le pouvoir de condamner.
    Ces paroles lui parurent saugrenues. Il haussa les épaules, les
oublia aussitôt et quitta le Château Narbonnais en saluant, le geste bref et le
sourire presque aimable, les secrétaires et les soldats qu’il croisa dans la
cour. Il s’en fut par la ville, s’attarda sans impatience dans des
encombrements de chariots, des cohues de portefaix et de femmes bavardes aux
puits des places. Le soleil dans les ruelles lui sembla délicieux, et le peuple
digne de toutes les bontés du monde.
     
    Au soir de ce jour, Jacques Novelli reçut la visite de frère
Bernard Lallemand, dans la bibliothèque du couvent où il s’était acharné à
travailler tout l’après-midi, sans y parvenir correctement. Il l’accueillit d’un
bonjour grognon mais se sentit soulagé de pouvoir enfin distraire son esprit
des indéchiffrables

Weitere Kostenlose Bücher