Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
Vom Netzwerk:
autant qu’il le passionnait. Il se tourna
vers son compère Pélisson et se mit à rire hautement pour se défaire du charme
vénéneux où il se sentait pris, et dissimuler à ses frères inquisiteurs l’intérêt
un peu honteux qui le poussait à questionner plus avant.
    — Cet homme est incompréhensible, dit-il.
    — Vous devriez pourtant me comprendre mieux que tout
autre, monseigneur, répliqua Arnaud avec une soudaine insolence. Il est impossible
que vous n’ayez jamais éprouvé les mêmes sentiments que moi, vous qui êtes
réputé pour confesser le monde avec un soin très habile.
    Jacques se dressa d’un bond si vif que son siège, derrière
lui, se renversa. Il gueula, pris de rogne tremblante :
    — Je ne jouis pas, moi, foutu branleur, je ne jouis pas,
Dieu du Ciel !
    — Allons, frère Novelli, dit Bertrand de Pomiès en
souriant sournoisement, pourquoi donc prenez-vous la peine de vous justifier
devant cet homme ? Vous voyez bien que le diable le tient.
    Jacques, grognant encore et regardant furieusement Arnaud, repoussa
Pomiès qui voulait l’apaiser et le moine accouru pour relever sa cathèdre. Il
se rassit, et s’efforçant au calme :
    — Seule compte l’intention, pure ou sale, qui gouverne
les actes. Dieu me préserve de jamais prendre plaisir à fouiller l’âme d’un
pénitent. Tu es ignoble, Arnaud.
    Il eut envie tout à coup de fuir cette salle morne, ce
travail trop éprouvant, et se mit à haïr pêle-mêle ces clercs, ces soldats qui
se tenaient tête basse, peureusement, pour ne pas avoir à affronter son regard
furibond, et cet Arnaud de Vergnes qui osait encore lui faire face et l’observer
avec une obstination très gênante. Il ricana, pensant soudain à ces gens de
haute volée qui raillaient sa raideur, certains soirs, dans leurs aimables
palais, et enviaient sa charge. Ces péteux ne savaient pas ce que pouvait être
la douleur de juger, ni de quel accablement il fallait parfois payer le
privilège de côtoyer des monstres. Il resta un moment silencieux, rêvant à quelque
miraculeuse libération, le menton sur la poitrine. Une main se posa sur son
bras. Il sursauta. Frère Pélisson, penché à son oreille, lui demanda, avec une
compassion craintive :
    — Êtes-vous bien ?
    — Ne vous préoccupez pas de moi, Guillaume, et poursuivez
donc l’interrogatoire. Après tout, cet homme est à vous.
    Le moine murmura un remerciement confus, se mit à l’ouvrage
avec application et sa voix monotone, peu à peu, enferma Novelli dans une
mélancolie de vieille poussière. Il écouta la pâle musique de ses phrases aller,
dans l’air de la salle, à la rencontre des réponses d’Arnaud, revenir au
registre, s’accorder docilement aux crissements des plumes sur les écritoires.
« Va, Guillaume, va ma bonne chèvre, pensait-il, tout sarcastique derrière
sa figure, tu es un bon inquisiteur, indifférent aux misères et peu curieux des
âmes, comme il faut l’être. Moi je brûle trop, mon Dieu, je brûle trop. »
Un silence subit lui fit lever la tête. Frère Pélisson, les joues rosées d’avoir
tant palabré, le regardait, l’air satisfait.
    — Que vous en semble, frère Novelli ? Il y a lieu,
à mon sens, de condamner cet homme au mur strict, dit-il.
    — Il est de bonne famille, répliqua Bertrand de Pomiès.
Je suis d’avis de lui faire quelque grâce.
    Il avait, dans l’œil, sa perpétuelle lueur de moquerie
méchante, « et pourtant, se dit Novelli, le voilà moins sévère que mon
doux Guillaume. Comment connaître le fond des cœurs ? Peut-être est-il bon
et n’ose pas le montrer. Peut-être aime-t-il le pauvre monde, lui aussi, derrière
sa figure de rat ». Il lui sourit. L’autre, point accoutumé aux douceurs, rougit
et dit, désignant Arnaud de Vergnes d’un coup de menton dédaigneux :
    — Il n’est pas hérétique. Il n’est que fou.
    Allons, Pomiès était ce qu’il semblait : intelligent et
sans pitié. Novelli soupira et regarda Arnaud avec une détestation rageuse. Il
était bien le seul combattant, en ce lieu, qui soit digne de son ardeur. L’autre
noua ses doigts contre son ventre, se redressa comme s’il attendait la mort et
se mit à prier à voix basse.
    — Qu’il soit banni de cette ville et que les croix d’infamie
soient cousues sur ses vêtements, dit Jacques. Greffiers, rédigez la sentence
en bonne forme. Vous me la ferez porter au couvent.
    Le verdict ne pouvait être plus clément. Arnaud

Weitere Kostenlose Bücher