Marcel Tessier racontre notre histoire
province. Sans aller aussi loin que le fera Maurice Duplessis, il n’admet pas qu’Ottawa centralise davantage. Jusqu’à la grande crise de 1929, son gouvernement déclarera toujours des excédents budgétaires. Bien sûr, il favorise la colonisation comme remède à la crise, et en s’appuyant sur les trusts il encourage le développement industriel. Réélu en 1931, il connaîtra son enfer dans les années qui suivront…
DUPLESSIS ET GOUIN
En effet, cet homme que les conservateurs jugent inébranlable va rencontrer son semblable et devoir affronter un adversaire aussi coriace, aussi dur et aussi ambitieux que lui: Maurice Duplessis. À ce moment, un vent de mécontentement envahit les rangs des libéraux. Certains intellectuels nationalistes forment un parti politique dirigé par Paul Gouin, le fils de Sir Lomer Gouin, l’Action libérale nationale. Ce parti critiquera les méthodes et les écarts graves commis par le premier ministre et ses sbires. À partir de 1934, Duplessis emploie son temps en Chambre à narguer le premier ministre sur les divisions de son parti. Et en secret, il encourage les mécontents et négocie avec eux. Il ne lâche pas les libéraux: il dévoile des scandales, lance des accusations de corruption et dénonce le favoritisme. Finalement, il exige des élections, qui sont annoncées pour le 25 novembre 1934. Gouin et Duplessis s’entendent pour une alliance tactique. Le soir du 25, Taschereau est réélu par une faible majorité. Duplessis est nommé leader de l’opposition et c’est dans une atmosphère orageuse que s’ouvre la nouvelle législature. Une enquête sur les comptes publics se tient au printemps 1936 et démontre que le régime Taschereau était mêlé à toutes sortes de manigances. Le premier ministre n’a plus le choix, il remet sa démission en juin 1936. C’est Adélard Godbout, ministre de l’Agriculture, qui le remplace à la tête du parti et de la province de Québec. Jusqu’à sa mort, en 1952, Louis-Alexandre Taschereau restera à l’écart de la politique.
66 LA FEMME AU DÉBUT DU XX e SIÈCLE
A u début des années 1900, la femme au Québec, et ailleurs au Canada, est traitée comme une citoyenne de seconde zone. À cette époque, la femme se prépare, dès l’enfance, à jouer un rôle spécifique dans cette société d’hommes. La jeune fille aide déjà sa mère à prendre soin des enfants plus jeunes et à s’occuper des travaux ménagers. Toute sa vie, elle suivra le même chemin que sa mère. On n’accepte pas que la femme partage avec l’homme un rôle quelconque dans la sphère réservée aux hommes. Celles qui fréquentent l’école y apprennent la cuisine, la couture et les arts ménagers. Il faut les préparer adéquatement, dit-on, à leur futur rôle de mère et de gardienne du foyer. Il y a, bien sûr, les «vieilles filles», qui sont souvent déconsidérées, sauf si elles entrent en communauté. Plusieurs organisations accueillent ces bénévoles: dames de Sainte-Anne, dames de la Charité, enfants de Marie pour les plus jeunes. Ce sont elles qui, généralement, voient à l’organisation de fêtes religieuses, à la réparation de vêtements pour les pauvres et autres travaux du genre.
LE TRAVAIL DES FEMMES ET LEUR SITUATION SOCIALE
Les femmes sont, pour la plupart, des ménagères. Pour celles qui décident d’entrer sur le marché du travail, les emplois sont peu rémunérateurs. On les voit peiner dans les manufactures de textile, de vêtements, de chaussures. Bien sûr, elles peuvent aussi travailler comme secrétaires ou exercer le métier de coiffeuse ou de serveuse. Les femmes plus instruites seront institutrices et vivront souvent dans des conditions difficiles, sans compter qu’elles seront aussi à la merci des hommes, en l’occurrence les commissaires d’école à qui elles doivent rendre des comptes.
La femme n’a pas le même statut juridique que l’homme. Mariée, elle est soumise à son mari comme une enfant mineure et elle doit même obtenir son autorisation pour signer un document officiel ou effectuer une transaction. Peu de femmes fréquentent l’université; d’ailleurs, elles ne sont pas admises dans les sanctuaires disciplinaires réservés aux hommes, comme la médecine et le droit. Naturellement, elles n’ont pas le droit de vote et encore moins celui d’être député, commissaire ou conseillère municipale. Quel beau tableau! On ne pouvait imaginer, dans les années 1900, que tout
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