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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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sortirent dans l'ik de Chagak pêcher la morue avec des lignes à main. Après leur départ, Samig regagna son ulaq et peignit son visage d'ocre rouge et de graisse de phoque à la manière des Chasseurs de Baleines. Il ne partit pas à la chasse. Comment faire avec une main dans cet état ? Peut-être chasserait-il un jour le phoque ou le lion de mer, mais même avec l'attelle d'os d'oiseau confectionnée par Trois Poissons, il ne retrouverait jamais la rapidité nécessaire pour la baleine. Il serait un baleinier — celui qui suit l'animal harponné et qui aide à le ramener mort au village. Mais il devait avant tout demander aux esprits de la baleine de choisir un autre alananasika, un autre chef chasseur de baleine, un homme à qui enseigner ce qu'il avait appris.
    Une fois dans la baie, il entonna un chant qu'il tenait de son grand-père, Nombreuses Baleines, autrefois alananasika de la tribu des Chasseurs de Baleines. Puis Samig chanta sa propre prière aux esprits de la baleine.
    « Nous ne chassons pas pour que les hommes nous honorent de leurs chants. Nous ne chassons pas pour que les femmes nous glorifient. Nous chassons pour vivre. Nous honorerons chaque baleine qui s'offrira à nous. Nous emplirons sa bouche d'eau fraîche. Nous rendrons son cœur à la mer. Nous ferons tout ce qui honore les baleines. »
    Puis il attendit, espérant sentir la puissance des esprits de la baleine, pour apprendre en son cœur que les esprits avaient compris les besoins de son peuple. Mais il n'éprouva que le vide sous le dôme haut et gris du ciel et le même vide encore dans son cœur.
    Il posa un moment les yeux sur sa main droite, la serra autour de la pagaie et revint au village en se demandant pourquoi il avait pensé que les esprits de la baleine l'écouteraient. Il n'était plus chasseur.
    « Tu le savais parfaitement, susurra une voix en lui. Sinon, pourquoi serais-tu parti seul ? Les esprits de la baleine ne te voient plus comme un chasseur. Ils savent que ton pouvoir a disparu. »
    Premier Flocon et Petit Couteau rentrèrent au village les traits creusés et le dos courbé comme des vieillards. Ils n'avaient rien vu, rien entendu ; ils n'avaient pas eu la moindre occasion de détacher leurs harpons du banc de nage de leurs ikyan.
    — Demain, leur dit Samig. Quel chasseur ne rentre jamais bredouille ?
    Disant cela, Samig sentit pourtant un frisson glacé au creux de sa poitrine. Et s'ils ne rapportaient pas de viande ? Et si une malédiction avait éloigné les animaux de la plage des Commerçants ?
    Ils sortirent à nouveau le lendemain et le jour suivant. Samig sortit aussi à l'embouchure de la baie pour parler aux esprits de la baleine. Ces deux jours-là, les hommes rentrèrent bredouilles. Ces deux jours-là, dans ses chants et ses prières, Samig ne ressentit que le vide du ciel et de la mer.
    Le quatrième jour, Kayugh, Longues Dents et Waxtal revinrent de l'intérieur des terres. Eux non plus ne rapportaient rien.
    Les femmes préparèrent un repas de poisson qu'elles servirent dans l'ulaq de Kayugh. Samig observa les hommes assis, tête basse, yeux noirs creusés par le manque de sommeil. Quand ils eurent mangé, il n'y eut pas de conversation, seulement le poids des pensées de chacun qui emplissait l'ulaq.
    — Nous avons besoin de repos, dit enfin Samig, puis nous sortirons encore.
    — Tu crois que je vais passer quatre autres jours à marcher pour rien ? lança Waxtal le visage rouge et les yeux réduits à deux fentes. J'aurais pu rester chez moi à sculpter quelque chose à échanger contre de l'huile et de la viande. Faites ce que vous voulez. Moi, je ne bouge plus.
    Samig accrocha le regard de Waxtal.
    — Si tu ne chasses pas, tu ne manges pas.
    Waxtal pointa sa canne sur la main droite de Samig.
    — Et toi ? ricana-t-il. Je ne crains pas de vivre de ce que je tire de mes statuettes. Vivras-tu de ce que tu tires de ton harpon ?
    10
    Marée basse. Waxtal se pencha pour ramasser un morceau de bois flotté. Il était pourri et si mou qu'il aurait pu le creuser avec l'ongle du pouce. A quoi d'autre fallait-il s'attendre ? La baie était si étroite que la mer y déposait rarement des présents. Même le bois était sans valeur. Waxtal le jeta et reprit sa marche le long de la plage.
    Il grinça les dents d'agacement. Il aurait dû rester chez lui. Du moins n'avait-il pas suivi le conseil de Coquille Bleue. Femme stupide ! Elle avait voulu l'expédier en mer du Nord. S'il l'avait écoutée,

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