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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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faire de mes nuits, ni qui se glissera ou pas dans ma couche.
    — Il a donné de l'huile pour toi.
    Kukutux sourit et sortit de sa réserve le seul ventre de phoque d'huile qui lui restait.
    — Non. C'est mon huile. Je l'ai tirée des phoques pris par mon mari. C'est tout ce que j'ai et c'est à moi. Personne ne m'a donné d'huile.
    Le visage de Roc Dur s'assombrit.
    — Dis-lui que c'est le temps de mes lunes. Dis-lui que s'il vient à moi ce soir je maudirai sa partie d'homme. Peut-être te permettra-t-il de garder l'huile.
    Roc Dur ourla ses lèvres, dévoilant ses dents blanches ; mais si le souffle de Kukutux frémit dans sa gorge, elle soutint son regard. Le chef tendit la main pour prendre le poisson suspendu aux chevrons et Kukutux dut serrer bien fort les lèvres pour ne pas le supplier de lui laisser le peu qu'elle avait. Respirant profondément, elle proposa au contraire :
    — Si tu n'as pas assez à manger, prends. Je connais la douleur d'un ventre creux.
    Roc Dur ôta sa main et grimpa hors de l'ulaq.
    Alors, Kukutux s'assit près de la lampe à huile et mangea.
    30
    La mer était vide, aucun signe de phoque ou de baleine, pas de remous signalant des morues. Waxtal leva la tête vers la voix qui l'appelait. C'était Roc Dur qui arrivait d'un des ulas les plus petits. Le vent soufflait contre son suk, soulevant les plumes de ses manches en peaux de macareux.
    Waxtal sentit ses yeux brûler d'envie. Combien obtiendrait-il d'un pareil vêtement ? Trois, quatre peaux de caribou s'il l'échangeait chez le Peuple des Caribous. Leurs femmes ne connaissaient pas le secret de la couture des peaux d'oiseaux.
    Waxtal glissa le long du flanc de l'ulaq où il se tenait avec Hibou et Œuf Moucheté. C'était un logis petit mais propre, avec de bonnes lampes et de la bruyère de cama-rine fraîche répandue sur le sol.
    Roc Dur fit signe à Waxtal de le suivre à l'abri du vent. Les deux hommes s'assirent sur leurs talons. Waxtal s'aperçut au premier coup d'œil que l'homme avait le visage rouge et que les jointures de ses mains étaient blanches.
    — Je t'ai promis une femme, dit Roc Dur. Elle est jeune, belle et sans mari. Peut-être viendrait-elle vivre dans ton ulaq pour coudre et cuisiner si elle tirait assez de plaisir de sa nuit avec toi.
    Waxtal sourit, sentant le désir monter au creux de ses reins. Une femme sans les contraintes imposées à un
    mari, une femme qui vous sert sans exiger les droits d'une épouse, quoi de mieux ?
    — Ces jours-ci, elle est dans son temps de sang, ajouta Roc Dur.
    Lourd de déception, Waxtal s'obligea à sourire et donna une tape amicale dans le dos de Roc Dur.
    — Que peut-on y faire ? fit-il en riant. Les femmes seront toujours des femmes.
    Roc Dur se renfrogna puis rit à son tour.
    — Un marché est un marché, dit-il. Tu l'auras quand elle le pourra.
    — Parfait, dit Waxtal qui commença à regagner le toit de l'ulaq d'où il pouvait surveiller la mer.
    — Un marché est un marché, répéta Roc Dur. Je t'amènerai quelqu'un d'autre pour cette nuit. As-tu ma tête de harpon ?
    — Oui, dit Waxtal en la lui montrant.
    — Où est mon huile ?
    — As-tu les autres têtes de harpon ?
    Roc Dur fouilla sous son suk, sortit sa bourse et la tendit à Waxtal.
    — Trois ventres d'huile, dit-il.
    — Trois ventres ?
    Roc Dur pivota sur lui-même en entendant la voix. Il vit les deux marchands derrière lui.
    — Pour quoi ? demanda alors Œuf Moucheté.
    Waxtal rougit violemment.
    — Deux ventres, dit-il aux hommes. Je ne leur ai pas parlé de notre marché, ajouta-t-il pour Roc Dur.
    Le chef fronça les sourcils et plissa les yeux.
    — Demain matin, ajouta Waxtal. Je t'apporterai l'huile.
    Il attendit que Roc Dur hoche la tête et rentre chez lui, puis il marcha en direction de la plage.
    Roc Dur ôta son suk et le jeta aux pieds de Nombreux Bébés qui leva les yeux. Elle faisait ramollir dans sa bouche un fil de nerf et tenait dans sa main gauche une aiguille en os d'oiseau.
    — J'ai parlé à Kukutux.
    — Elle ment, marmonna Nombreux Bébés.
    Puis elle sortit le fil de ses dents, tordit l'extrémité humide qu'elle noua autour de son aiguille. Elle guida le tout à travers plusieurs trous d'alêne dans la peau de phoque qu'elle cousait.
    — Elle ment, répéta-t-elle.
    — Kukutux a péché ce poisson, dit Roc Dur. Pourquoi l'as-tu revendiqué ? Tu as suffisamment à manger. Elle meurt de faim.
    Nombreux Bébés posa son ouvrage et se

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