Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
jamais : celui d’Occident – notre partie de l’Europe – et celui d’Orient – qui couvre le monde balkanique et l’actuelle Turquie. De ce côté, rien n’a changé depuis les Césars, il n’y a pas eu d’invasions barbares, il n’y a pas de rois et de féodalité. Un empereur règne toujours à Byzance – appelée aussi Constantinople. La vieille partition géographique s’est doublée de tensions religieuses de plus en plus vives : le patriarche de Constantinople refuse toute prééminence à ce pontife de Rome qui se croit tous les droits. En 1054, on en est venu aux anathèmes et aux excommunications entre les légats de l’un et les représentants de l’autre. Par tradition, c’est de cette date que l’on fait partir la séparation entre ceux qui se disent les orthodoxes – c’est-à-dire qui se pensent conformes à la vraie doctrine – et les catholiques – c’est-à-dire les « universels ». Les croisades ne feront que mettre du sel sur cette plaie qui ne se refermera jamais.
En 1095, pourtant, on a pu croire au rapprochement. C’est l’empereur Alexis Comnène lui-même qui a appelé l’Occident au secours parce que la menace des Turcs sur son empire était trop forte. En fait, il espérait quelques bons mercenaires pas trop chers et n’avait jamais envisagé, même dans ses pires cauchemars, ce qui lui est tombé dessus : cette masse de fanatiques incultes qui se sont abattus sur son empire comme les sauterelles sur l’Égypte. À leur arrivée, les Latins, comme on les appelle, tentent bien avec lui des accords : quelques barons lui promettront de reconquérir des terres en son nom, quelques petits royaumes joueront le jeu de se déclarer ses vassaux, au moins symboliquement. Le reste de l’histoire, lui, ne fait que creuser entre les deux peuples, entre les deux civilisations, ce fossé de préjugés qui les sépare. Pour les Occidentaux, les « Grecs » sont cupides, efféminés, lâches : ne préfèrent-ils pas la diplomatie à la guerre ? Les Byzantins ne le démentent pas. En effet, ils aiment bien mieux, le plus souvent, traiter avec les Arabes, ces gens éduqués, raffinés, avec qui l’on peut s’entendre, que d’avoir à s’allier aux Latins, ces rustres à la propreté douteuse, ces soudards aux mœurs inqualifiables et qui prouveront bientôt l’étendue de leur sauvagerie.
Pour les Byzantins, l’horreur arrive avec la quatrième croisade. Elle a été armée par Venise, trop contente de faire payer fort cher les vaisseaux qu’elle loue aux Francs, trop heureuse d’asseoir un peu plus sa domination sur l’Adriatique et la Méditerranée. Pour s’acquitter de leur lourde dette envers la Sérénissime, les croisés commencent par prendre la ville de Zara (aujourd’hui Zadar, en Croatie). Elle est peuplée de gens qui parlent une langue curieuse, ça doit être des ennemis. Manque de chance, il s’agit de Hongrois, chrétiens. Cela fait un premier scandale. Un peu plus tard, toujours en principe sur le chemin de la Palestine et de l’Égypte (le but officiel de cette croisade est de vaincre les Égyptiens), les voilà qui arrivent près de Byzance, avec, dans leurs bagages, un vieux prétendant au trône impérial exilé. Il comptait sur ces étrangers pour remonter en selle. On ne se mêle pas impunément de la politique d’un vieil empire. Des gaffes sont commises ; la population gronde contre cette immixtion ; la tension monte. Bientôt quelques heurts suffisent à mettre le feu aux poudres, et à déclencher l’impensable : les croisés mettent la ville à sac, pillent, massacrent, profanent les églises, volent tout ce qu’ils peuvent de reliques et d’objets d’art (dont les fameux lions de Venise, jamais rendus). Forts de cette victoire pathétique, ils créent sur les décombres de la perle du monde grec un « empire latin », parenthèse de l’histoire byzantine qui durera soixante ans. Ils récoltent surtout, et à jamais, la haine des orthodoxes. Vu d’Occident, on croit que la grande date de l’histoire de l’empire romain d’Orient est 1453, l’année de la prise de Constantinople par les Turcs. Pour beaucoup de gens de cette ville, la catastrophe était arrivée deux siècles plus tôt, et les barbares qui en étaient responsables étaient catholiques.
Un cas à part, Frédéric II de Hohenstaufen
Faut-il pour autant rester sur une tonalité aussi négative, n’y a-t-il donc personne pour racheter cette
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