Qui étaient nos ancêtres ?
vite réduite à se voir associer à des dictons concernant les foins. S’il pleuvait à cette date nos ancêtres devaient s’attendre à tremper leurs guenilles trente jours durant, sans doute comme la fille de saint Pierre était censée l’avoir fait de sa serpillière. Pétronille, guenille : à cause d’une rime, l’ancienne patronne de la France en était ravalée au rang des saints météorologistes, tel saint Médard, dit « le grand pissard », dont la légende rapportait qu’il avait essuyé un formidable orage sans s’en être trouvé mouillé d’un cheveu…
Ajoutons qu’à la campagne, les chevaux ne peuvent être attelés le jour de la fête de saint Éloi, ni les bœufs à la Saint-Blaise… Chaque diocèse a par ailleurs la liste de ses fêtes et de ses saints, et c’est là que nous attendent des chiffres étonnants : au XVII e siècle, on dénombre ainsi quarante-trois jours de fêtes chômées dans le diocèse de La Rochelle, cinquante-trois dans celui d’Angers. Nos ancêtres, comme le savetier de la fable, s’en plaignent, et il arrive que l’évêque accepte de revoir sa liste à la baisse. Mais si celui du Mans, au XVIII e siècle, se décide à élaguer ainsi quelques fêtes, il n’en réduira le nombre que de trente-trois à vingt-quatre. Avec des chiffres de cet ordre, on arrivait à des années de 260 jours de travail. 260 contre 222 : si l’on ne comptabilise pas les jours de noces et de fêtes privées ou de certaines occasions comme le « jour du cochon », l’avantage reste pour nous, à condition toutefois que les rythmes de travail soient effectivement comparables.
À Pâques ou à la Trinité : de l’angélus à l’oignon
Mais, là encore, comment comparer ? Comment comparer les cadences de nos ouvriers travaillant à la chaîne, avec une horloge pointeuse, à celles du savetier ou du paysan d’antan ? Comment comparer, quand on sait que cet artisan était payé à la tâche et non à l’heure, et que le travail du paysan dépendait étroitement des caprices de la météorologie ? Pour tous, l’inflation des jours de fête, que l’on vient de dénoncer, entraînait des manques à gagner considérables. Comment comparer, enfin, lorsque l’on sait que la rentabilisation du temps de travail est une notion complètement ignorée, que le temps lui-même est autre… ?
Sa mesure, déjà, est délicate. On vit d’abord au rythme du jour et des saisons, balisées par les fameuses fêtes de Monsieur le Curé, qui sont en fait à peu près les seuls repères. On ignore les dates, même sa propre date de naissance, y compris dans les classes évoluées. Lorsqu’il rédige, en 1751, l’acte de sépulture de Catherine Macarez, pourtant femme d’un des plus gros « censiers » de sa paroisse, le curé d’Haveluy la dit âgée de quarante ans, alors qu’elle décède le lendemain de son quarante-cinquième anniversaire. La majorité de nos ancêtres est pareillement incapable de formuler la date du jour présent.
Et si nous n’étions pas au XXI e siècle ?
Je sais bien qu’avec des « si », on mettrait Paris en bouteille… Pourtant, il est de fait que des parties entières du globe ne vivent pas à la même date que nous.
Les musulmans ont un calendrier commençant à l ’ hégire, date à laquelle le prophète Mahomet quitta La Mecque pour Médine, et qui correspond à notre 16 juillet 622. Chez eux, notre 1 er janvier 2002 était le 17 Shawwal de l’an 1422, année qui fut, chez nous, celle où mourut notre pauvre roi Charles VI, dit « le fol », en pleine guerre de Cent Ans…
Si les uns semblent en retard, d’autres affichent plusieurs longueurs d’avance. Le calendrier hébraïque démarre le 7 octobre 3761 avant Jésus-Christ, date qui, selon des calculs s’appuyant sur la Bible, serait celle de la création du monde. Il fait donc de notre 1 er janvier 2002 le 17 Tevet 5763, sans nous offrir pour autant de prendre des navettes reliant plusieurs fois par jour Mars à la Terre…
Mais voyons de plus près notre calendrier, appelé « grégorien » depuis sa réforme par le pape Grégoire XIII, en l’an de grâce 1582, afin de compenser un retard accumulé depuis son adoption, décidée bien des siècles auparavant, en 45 après Jésus-Christ.
Pour compenser ce retard de 11 minutes et 14 secondes par an, on supprima certaines années bissextiles : celles correspondant à un multiple de cent, non divisible par 400,
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