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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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servante, Bonanata. J’aimerais en savoir plus sur ce pauvre Marc.
     
    — On me dit que votre maison a été épargnée par la peste noire… une des rares, maître Isaac, dit le marchand de grain.
    Assise au fond de la pièce, le visage à demi caché sous son voile, Raquel observait le nouveau patient. Il avait le visage rouge et le ventre rebondi, mais, pour l’instant, elle ne découvrait aucune raison de demander avec tant d’urgence la présence d’un médecin. « Toutefois, pensa-t-elle, assez fière de sa capacité à établir un diagnostic, s’il continue à vivre ainsi, il succombera à une crise d’apoplexie. »
    — Nous avons eu beaucoup de chance, sans être totalement épargnés. La peste m’a pris mon assistant.
    — C’est une petite perte, comparée à votre propre vie et à celle de vos proches, maître Isaac, dit-il avec dédain. Je veux que vous fassiez de même pour moi – que vous me protégiez ainsi que ma famille et, si vous le pouvez, ceux qui m’assistent quand la peste reviendra. Quoi que cela me coûte, c’est ce que je demande pour moi et les miens.
    Un petit coffre était posé devant lui. Il l’ouvrit et en sortit un maravédis étincelant qu’il laissa tomber sur la table.
    — Je vous donne cette pièce d’or comme preuve de mes honnêtes intentions, reprit-il, et pour m’assurer que vous viendrez lorsque je vous appellerai, quand la pestilence s’abattra sur la ville.
    — Gardez votre or pour le moment, messire, dit Isaac. Conversons plutôt. Pourquoi croyez-vous que la peste noire va frapper à nouveau ? Voilà cinq ans que la maladie a atteint son apogée, et depuis deux étés la ville a été virtuellement épargnée. Il semble peu probable, ajouta-t-il avec prudence, qu’elle survienne pendant la froidure de l’hiver.
    — Ce n’est pas ce que disent certains, répliqua le marchand de grain, même quelques-uns des plus avisés. C’est la traîtrise, la sédition et la guerre civile qui nous l’ont apportée la dernière fois, et les choses sont encore pires aujourd’hui.
    — Pires, dites-vous ? Pires que la guerre civile ?
    — Oui, pires, répéta-t-il. Maintenant, c’est la magie noire et la sorcellerie. Elles ouvrent les portes de l’enfer et permettent au mal de se déverser sur notre monde. Dieu nous punira par la peste, comme Il l’a déjà fait.
    Une sueur froide était apparue sur son front, et il l’essuya avec un mouchoir.
    — Ils cherchent tous à trouver les sorcières et à les pendre avant qu’elles ne fassent du mal. C’est fort bien, mais je me souviens qu’on a dit que c’est grâce à votre sagesse et à votre savoir que vous avez échappé à la peste, vous et vos patients – ou du moins ceux qui vous ont obéi.
    Isaac avait parfaitement conscience du danger où il se trouvait. Il était inutile de dire à un homme apeuré – la terreur était perceptible dans sa voix – qu’il n’avait pas de potion magique contre la contagion. Il croirait que le médecin la gardait pour ses amis et pour lui-même. D’un autre côté, il pensait que les chances étaient fort minces de voir la peste revenir en automne alors qu’aucune rumeur à ce propos n’agitait le reste du royaume.
    — Avant de vous répondre, fit Isaac d’un air grave, je dois discuter avec ma fille des herbes et des simples dont nous disposons, ainsi que de ce qui doit être cueilli et préparé. Si vous voulez bien nous excuser un instant…
    — Non, messire, non ! Ne bougez pas ! Je vais vous laisser seuls, tous les deux. Il me faut en effet donner des ordres à mon commis avant que la matinée n’avance trop, dit le marchand de grain.
    — Raquel, vite, fit Isaac dès que le bruit des pas du marchand se fut atténué. Parle-moi de lui.
    — Il m’a semblé plus susceptible de succomber à une crise d’apoplexie qu’à mourir de la peste, dit-elle, le front plissé par la concentration. Épais, des cheveux blancs bouclés, le visage rougeaud, plutôt gras. Vu les cernes qu’il a sous les yeux, je suppose qu’il n’a pas le sommeil facile.
    — Excellent.
    Le marchand de grain revint dans la pièce, porteur d’une liasse de documents, se cogna à la table et s’installa.
    — Avez-vous pu…
    — Oui, messire. Pour le moment, j’ai tout ce qu’il me faut. Afin de renforcer votre constitution et de prévenir l’arrivée de la maladie, je vais vous envoyer des gouttes à prendre, trois dans un gobelet d’eau avant

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