Robin
de sa poitrine.
« C’est resté propre. Il y a peu de sang, annonça-t-il, grandement rassuré.
— Alors il est temps de bouger
d’ici.
— Une fois que nous aurons
prié, dit le moine.
— Oh, très bien, soupira Bran.
Faites donc votre office. »
Le prêtre remonta ses robes puis,
après avoir joint les mains, ferma les yeux et commença à prier pour le prompt
succès de leur mission. Bran se laissa bercer par le son de sa voix plus qu’il
ne prit garde aux paroles, imaginant qu’il écoutait un lent martellement de
tambour marquant la cadence. Au bout d’un moment, cependant, il se rendit
compte que ce n’était pas un bruit imaginaire. « Silence !
siffla-t-il. Quelqu’un arrive. »
Ffreol aida Iwan à se relever, et
tous deux disparurent dans les fourrés ; Bran s’élança en direction des
chevaux et jeta sa cape sur leur tête pour les calmer. Frère Ffreol, allongé sur
le sol, surveillait l’étroit segment de route qu’il pouvait apercevoir depuis
son buisson. « Les Ffreincs ! chuchota-t-il quelques instants plus
tard. Plusieurs dizaines. » Il se tut, puis ajouta : « Des
centaines. »
Bran, toujours occupé à tenir la tête
des chevaux, entendit le grincement caractéristique de roues de chariots, suivi
du claquement caverneux de centaines de chevaux et d’un bruit de bottes de
cuir – un battement rythmique qui semblait ne jamais devoir s’arrêter.
Le son finit par s’affaiblir au
bout d’un long moment, laissant place au silence de la forêt que seul venait
perturber le chant des oiseaux. « Je crois qu’ils sont partis »,
murmura Ffreol. Puis il se leva et entreprit de brosser sa robe. Bran demeura
immobile un peu plus longtemps, en quête du moindre bruit suspect ; comme
personne d’autre n’apparaissait sur la route, il finit par découvrir la tête
des chevaux. Œuvrant vite et en silence, il sella leurs montures et les
conduisit à travers la forêt, hors de vue du chemin. Il ne les laissa quitter
le sentier forestier et rejoindre la route qu’une fois sûr qu’aucun autre
marchogi ne ferait son apparition. Les trois voyageurs se remirent en selle et
filèrent en direction de Lundein.
CHAPITRE 6
Vers le milieu de la matinée, Bran,
Iwan et Ffreol avaient commencé à gravir la longue crête pentue qui dominait la
vallée de la Wye. Une fois au sommet, ils s’arrêtèrent pour contempler la large
vallée et le tracé miroitant de la verte rivière paresseuse. Au loin, ils
pouvaient deviner les silhouettes noires des oiseaux tourner et piquer dans le
ciel sans nuage. Bran sentit son estomac se nouer d’appréhension.
Lorsqu’ils furent en vue du gué de
la rivière, les cris stridents des charognes emplissaient l’air –
corbeaux, freux et corneilles en majorité, mais pas seulement. Des faucons, des
buses et même un ou deux hiboux tournoyaient en cercles serrés au-dessus des
arbres.
Bran fit halte au bord de l’eau. Le
sol meuble de la rive était totalement retourné, comme si toute une harde de
sangliers géants s’étaient décidés à y plonger leurs défenses. Il n’y avait
aucun corps visible, mais ici et là des mouches vrombissaient en épais nuages
noirs au-dessus de flaques de sang coagulé en forme d’empreintes de sabot.
L’air était lourd et fétide de l’écœurante puanteur de la mort.
Bran mit pied à terre et recula de
quelques pas sur la route, là où la majeure partie du combat avait eu lieu.
Baissant les yeux, il vit qu’à l’endroit où il se trouvait, la terre avait pris
une teinte légèrement rosée – un guerrier avait dû la maculer de son sang
en s’écroulant, mort.
« C’est donc là que ça s’est
passé, songea à voix haute frère Ffreol. C’est là que les guerriers de l’Elfael
sont tombés.
— Oui, confirma Iwan, la mine
sévère, le visage gris de fatigue et de douleur. C’est là qu’ils nous ont
piégés et massacrés. » Il leva la main et leur indiqua le large coude de
la rivière. « Rhi Brychan est tombé là-bas. Son corps a été emporté par
les flots avant que je ne puisse l’atteindre. »
La bouche pincée en une fine ligne
blanche, Bran contemplait l’eau sans rien dire. Un jour peut-être la
disparition de son père lui arracherait une larme, mais pas pour l’instant. Des
années de différends accumulés avaient depuis longtemps privé son père de son
affection. Le chagrin ne pouvait seul venir à bout de sa rancœur et de son
amertume, pas plus qu’il
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