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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pensée, jamais son enseignement n’avait été aussi inspiré, aussi
charpenté, aussi fécond. Le jour où il fit à ses élèves un cours sur Rabelais, qu’il
conclut en disant que le rire, « le propre de l’homme », est une voie
d’accès au divin, certains maîtres trouvèrent le propos osé, mais dix garçons, le
même soir, s’offrirent à raccompagner chez lui ce maître à la vue déficiente.
    En mars 1839, quand on apprit, chez les Fontsalte, qu’en
France les élections avaient été favorables à l’opposition, qui venait d’envoyer
à la Chambre deux cent quarante-sept députés, alors que le parti du
gouvernement n’obtenait que deux cent vingt et un sièges, Blaise prédit de
mauvais jours pour Louis-Philippe. La chute du ministère Molé, qui avait
succombé aux attaques de Guizot et de Thiers, et un coup de main tenté, le 12 mai,
contre l’Hôtel de Ville et la Conciergerie par quelques artisans du faubourg
Saint-Antoine conduits par Augustin Blanqui et Armand Barbès, révolutionnaires
combatifs déjà plusieurs fois condamnés, confirmèrent ses prévisions. La seule
victime de cette émeute sans lendemain ayant été un jeune officier, le
lieutenant Drouineau, Blaise et Ribeyre stigmatisèrent l’action de Barbès, riche
créole, et de son ami Blanqui.
    — Ce ne sont pas de vrais républicains mais des
insensés, qui font bon marché de la vie des innocents pour tenter d’imposer des
idées dont la pureté, croyez-moi, Axel, est sujette à caution, dit le général
Fontsalte.
    Attachés à l’âpre loyauté des combats, comme la plupart des
nobles devenus soldats de l’Empire, les derniers de la chevalerie méprisaient
les terroristes et les fauteurs de troubles.
     
    Les Veveysans, peu préoccupés par les récents événements
parisiens, eurent, ce printemps-là, matière à se réjouir. Avec le legs important
que venait de faire à Vevey un de ses enfants, M. Vincent Perdonnet, la
municipalité allait recevoir de quoi poursuivre les embellissements de la cité.
L’ancien agent de change avait fait fortune à Paris mais ne s’était jamais
désintéressé de sa ville natale. À l’âge de soixante et onze ans, ce financier,
important actionnaire des chemins de fer construits en France, avait tenu, dans
une lettre adressée à la municipalité de Vevey, un discours plein de noblesse
et de mélancolie.
    « Ai-je été choisi par la Providence pour faire les
adieux de ma famille à cette cité qui lui fut si chère ! Si aucun de ceux
qui me survivront ne doit habiter au milieu de vous, chers Concitoyens, qu’au
moins je ne meure pas avant de vous avoir laissé un témoignage non équivoque de
mon attachement ; qu’au moins j’emporte dans le tombeau la douce pensée d’avoir
été utile à ceux que j’aimai toujours comme des frères. » Ce témoignage
était un legs de cent soixante mille francs de Suisse, accepté, au nom de la
municipalité, le 18 avril 1839, par M. F. Couvreu, syndic, en présence
du notaire F. Dupraz et de M. H. Morier, secrétaire de la municipalité.
    Cette donation authentique se composait d’une grande maison
dite « des pressoirs » sise à Vevey, rue des Terreaux, de trois
belles vignes, de plusieurs prés et de traites sur des établissements financiers
de Paris. Le capital devant, selon le vœu du donateur, « rester intact »,
c’était une rente annuelle de plus de cinq mille francs dont disposerait la municipalité,
pour effectuer, au cours des années à venir, des travaux et aménagements dont M. Perdonnet
avait tenu à établir personnellement la nomenclature.
    Le syndic devrait veiller à ce que les rues soient toujours
propres et dégagées, que soient régulièrement balayées les promenades et la place
du Marché. Il faudrait maintenir les horloges « en parfait état, en
exigeant qu’elles soient réglées sur le temps moyen et qu’elles ne le soient
jamais sur le temps vrai ». On devrait veiller à ce que l’ordre règne sur
les foires et marchés, à ce que les rivages du lac soient partout d’un accès
facile et jamais encombrés. Il conviendrait de désigner un autre lieu que celui
dit derrière l’Aile, pour permettre « le lavage à grande eau du linge des
lessives ». Le mieux serait de construire une buanderie publique, avec
séchoirs et étendages. M. Perdonnet, s’inspirant des Romains, demandait
également l’érection de colonnes milliaires, de « bancs-reposoirs couverts »,
pour les

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