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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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million de francs de dégâts. Aussitôt, le Conseil d’État du canton de
Vaud décida d’organiser une collecte en faveur des sinistrés. Tous les
Veveysans offrirent leur obole. On sut plus tard que les Vaudois, souvent injustement
taxés de pingrerie par les Genevois, avaient collecté près de trente mille
florins.
    Les orages épargnèrent les vignobles de la Côte et de Lavaux.
Des ondées complices, alliées à la chaleur, firent bellement gonfler les grains
de raisin, ce qui donna, plus tard, une vendange abondante et de qualité.
    Samuel Fornaz, jeune intendant du vignoble des Métaz, successeur
avisé de Simon Blanchod, put, à la fin des vendanges, annoncer à Axel l’envoi
de quarante-cinq chars au pressoir, ce qui constituait une récolte
exceptionnelle. Le vigneron, dont tout Vevey savait qu’il s’était fait souffler
sa fiancée par le fils d’un notaire de Fribourg, un catholique, proposa d’aller
lui-même livrer dans cette ville, à l’hôtel de l’Aigle noir, les derniers
tonneaux contenant le vin de la précédente vendange.
    — Je partirai demain, avant le ressat, si vous le
voulez bien. Car il faut faire de la place dans la cave pour recevoir le vin
nouveau, dit-il.
    Axel acquiesça, comprenant que le garçon n’avait pas le cœur
à participer à une fête où la jeune fille qu’il aimait avait si bien chanté, l’année
précédente, l’air fameux du Devin du village, que connaissaient tous les
amoureux. Samuel Fornaz n’irait pas, cette année, danser sous les ormeaux, avec
sa belle paysanne de Chardonne. Elle avait rompu leurs fiançailles sans
explications.
    — Promets-moi, à Fribourg, de ne pas chercher querelle
à ton rival. Et rappelle-toi qu’il y a, dans la jalousie, plus d’amour-propre
que d’amour [26] .
    Lors du ressat traditionnel qui rassembla dans la cour de
Rive-Reine, autour de la famille et des invités, tous les vendangeurs et
vendangeuses, Élise Métaz ne fit qu’une brève apparition, sa grossesse avancée
justifiant qu’elle se retirât avant les danses. Son père, le pasteur Henri Delariaz,
venu de Berne avec sa femme, ne cacha pas sa satisfaction quand M me  Ribeyre
de Béran lui glissa à l’oreille que la jeune M me  Métaz
donnerait certainement naissance à une fille parce que le ventre d’Élise semblait
appointi et que le bébé, la prégnante le lui avait confirmé, remuait de bas en
haut, « comme une demoiselle qui porte ses dentelles de la cave au grenier ! ».
Flora se garda bien d’émettre pareil pronostic devant Charlotte et Blaise de
Fontsalte qui espéraient un petit-fils au regard vairon. Axel, interrogé par
Aricie et Martin Chantenoz sur sa préférence quant au sexe de l’enfant à naître,
indiqua, se moquant des indiscrets, que sa femme lui avait promis, comme cadeau
de Noël, un garçon… ou une fille !
    Mais la plus heureuse de la soirée fut Alexandra. Axel, privé
d’épouse mais invité par l’assemblée à lancer le picoulet traditionnel, tendit
la main à sa filleule et l’entraîna en tête de la farandole, hors de la grille
de Rive-Reine. La mère Chatard, à demi impotente, commère attitrée de la rue du
Sauveur, que les Métaz invitaient chaque année au ressat des vendanges, suivit,
sourire aux lèvres, l’envolée des danseurs sur les pavés ronds, vers la place
du Marché. Comme Pernette, chargée du service avec Lazlo, passait à sa portée, elle
la retint par le tablier.
    — Comme le temps passe, mon amie ! Cette petite
Alexandra, que nous avons vue naître, c’est déjà une vraie petite femme ! Si
elle est comme Nadine Ruty, sa défunte mère, elle tardera pas à sentir le feu
sous sa jupe, ma bonne.
    — Tais-y-té batouille ! C’est une gentille
gâtionne [27] . Y a que son parrain
qui compte, répliqua Pernette en se dégageant.
    — Eh ! fit la commère.

4
    Alexandra et son amie Alice, la fille de M e  Jacques
Chavan, notaire, successeur du défunt Charles Ruty, battirent des mains quand
Axel Métaz proposa de les conduire à Châtel-Saint-Denis, pour assister à ce que
les Vaudois nomment la désalpe et les Gruériens la bénichon. Le retour des
troupeaux qui passent l’été dans les hauts pâturages des Préalpes était l’occasion,
chaque année, à la Saint-Denis, d’une fête champêtre dont tiraient profit les
cabaretiers et les aubergistes du district de la Veveyse. Entré dans le canton
catholique de Fribourg en 1536, quand Leurs Excellences de Berne avaient

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