Serge Fiori : s'enlever du chemin
revivre tout cela en studio (il y a tout
de même des gens présents lorsqu’il enregistre), mais ces
expériences ne lui procurent pas la même sensation que le
fait de voir et d’entendre des milliers de personnes électrisées reprendre en chœur ses plus beaux refrains.
Le destin a voulu qu’il quitte la scène pour ne jamais y
remonter et il s’est depuis longtemps résigné à son sort.
Il n’en jette pas moins un regard parfois nostalgique sur
les moments qu’il a passés sur scène. Heureusement pour
Fiori, il lui reste encore le plaisir de l’écriture et de la composition.
Mais revenons en 1973. Michel Normandeau prend un
jour contact avec Yves Ladouceur, réalisateur à CKVL, une
radio FM qui se transforme peu à peu en une chaîne de
musique progressive. La radio invite les jeunes artistes
québécois de la relève à venir présenter leur matériel en
ondes. Michel saute sur cette occasion. Le duo obtient un
rendez-vous, et le matin du douze février 1973, les deux musiciens se présentent sur les lieux de diffusion. Ils arrivent
vers onze heures et Yves Ladouceur, qui les attend dans le
hall de la station de Verdun, sourit à la vue de leur allure :
yeux pochés, chemises indiennes, cheveux longs. Le réalisateur est par contre immédiatement séduit par l’interprétation qu’ils font de Little lady of mine , la chanson de Serge
écrite pour Lucie. Fiori a composé cette chanson, sa première chanson folk, quelques mois plus tôt, au moment
où il travaillait sur l’édition des bandes des Beatles ; il avait
alors profité du studio de montage pour enregistrer cette
démo. Intéressé, Ladouceur s’informe de leur répertoire :
auraient-ils des chansons francophones ? Serge et Michel
répondent que ce n’est pas un problème, qu’ils sont précisément plongés dans l’élaboration de textes en français.
Yves leur propose alors de les enregistrer et de les produire,
mais le duo veut réfléchir avant de décliner ou d’accepter
cette proposition.
En attendant, ils composent d’autres pièces. Serge, qui
ressent le besoin d’explorer davantage sur le plan musical, propose d’appeler Louis Valois, avec qui il avait joué à
l’Université de Montréal. Ce dernier, curieux d’entendre ce
que cet étrange duo pouvait faire, sachant qu’il avait quelques pièces déjà prêtes, accepte l’invitation et se rend chez
les deux guitaristes.
Dès les premières minutes passées dans l’appartement
du duo, après que Serge ait saisi sa guitare et commencé à
jouer et à fredonner, Louis est renversé. « Je capote ! Je vois
tout de suite le talent inné de Serge. Il joue de la guitare
douze cordes avec une telle aisance ! Et sa voix en falsetto est hallucinante ! » Valois, type respectueux et plutôt introverti, ne mentionne rien à propos de l’écart formidable entre les habiletés musicales des deux hommes, mais il ne le
remarque pas moins. Sur les pièces proposées par Serge
et Michel, il manque les arrangements et les basses ; Louis
se sent prêt à sauter de nouveau dans l’aventure musicale,
aussi accepte-t-il d’emblée d’accompagner le tandem. Le
duo devient trio : la graine d’Harmonium est semée.
Dès lors, Louis accompagne le tandem lors des événements qu’ils animent et pour les quelques contrats qu’ils
Ont dénichés. Au fil du temps, le bassiste découvre combien
la présence de Michel contribue à l’organisation des sessions de travail ; ce dernier se charge, entre autres choses,
de la logistique. Le duo ne possédant pas d’amplificateurs,
Louis propose d’emprunter celui que son frère, à l’époque
membre du groupe Les Sinners, possède en surplus. C’est
Michel qui se chargera d’aller chercher l’appareil et de le
traîner dans tous leurs déplacements, bien que ce soit Serge qui l’utilise. Fiori développe vite une grande complicité
avec Louis ; les deux hommes partagent une aisance et une
profondeur musicale qui manquaient au duo d’origine. À
l’image de Serge, Valois est doué pour les arrangements, la
production et la recherche du son, cette signature particulière du groupe Harmonium. Lorsqu’ils jouent ensemble,
Serge se branche littéralement sur Louis.
Lorsqu’il parle de Louis, Serge est très touché. Il a reconnu, en ce compagnon musicien, un membre de sa famille. Leur relation est inconditionnelle ; il le défendra et
le protégera toujours, parce que
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