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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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récupérés, me
dit-il.
    — Ce n’était pas un grand exploit, fis-je modestement.
Les sentinelles de Ravenne nous ont laissé pénétrer dans la ville sans autres
précautions que de simples regards scrutateurs. Au centre de la cité, des soldats
nous ont réceptionnés. Tandis que mes hommes, sur mes instructions, gardaient
le silence, j’ai pu parler tout naturellement d’Haustaths avec l’ optio chargé d’intercepter les mules.
    Avec un sourire amusé, Théodoric me demanda :
    — Qu’aurais-tu fait si les soldats avaient transpercé
les sacs, ici ou là, de quelques solides coups d’épée ?
    — Heureusement pour nous, ils ne l’ont pas fait. Comme
nous l’avions supposé, ils ont emmené les mules quelque part dans la ville,
afin que les provisions y soient inventoriées et distribuées. J’ai pu remarquer
au passage que si Ravenne possède encore une réserve appréciable de grains et
autres produits secs, ces convois sont leur seule source d’approvisionnement en
nourriture bonne à mâcher et en huile donnant du goût aux aliments. Dès que les
soldats ont eu pris possession des mules, ils se sont désintéressés de nous.
Nous avons alors pu nous éloigner sans qu’on nous prête attention.
    Théodoric partit d’un franc éclat de rire.
    — Avez-vous entendu les hurlements qu’ils ont dû
pousser quand les sacs ont été ouverts ?
    — Je les attendais d’un moment à l’autre. Je savais
qu’il ne nous fallait pas traîner, car les soldats ivres de rage ne
manqueraient pas de revenir s’en prendre à nous. Pour notre part, nous n’étions
pas assez nombreux pour faire subir aux défenses de la ville des dommages
significatifs ; même si nous avions réussi à nous cacher, il nous aurait
fallu plusieurs semaines d’un laborieux travail clandestin. Notre meilleure
chance était de nous emparer de quelque chose qui nous serve de monnaie
d’échange une fois ressortis. J’aurais pris un grand plaisir à enlever Odoacre,
mais nous manquions de temps pour le trouver. Sans compter qu’il devait être
sérieusement gardé et que nous étions sans armes. C’est alors que j’ai avisé la
basilique Saint-Jean, la cathédrale catholique de la ville. Si consciencieux
qu’ils soient, jamais les légionnaires ne songeraient à garder une église. Nous
y sommes donc entrés, et c’est dans le presbytère, tout simplement, que nous
avons trouvé… nos deux prises.
    Théodoric les couvait d’un regard satisfait, affectueux,
pour tout dire presque admiratif. Leur regard était en revanche loin d’avoir
cette chaleur.
    — C’est alors, continuai-je, qu’une clameur s’est
répandue dans la ville. Des gens couraient un peu partout, des cris
retentissaient. Certains venaient sans doute des soldats qui nous
recherchaient. Mais une bonne part de cette agitation était due au navarchus, ici présent.
    Je laissai la parole à Lentinus, qui poursuivit :
    — Comme prévu, Théozoric, j’avais rejoint en hâte mes
ouvriers du Padus, leur apportant de nouvelles réserves de bois et de
carburant. J’ai activé jusqu’à la frénésie la construction de khelaí, quitte
à utiliser les roseaux des marais. Nous nous sommes mis à en expédier jour et
nuit sous les murs de Ravenne. Thorn m’a raconté qu’il en avait vu quelques-uns
s’embraser fortuitement juste devant eux, au moment où ils sortaient de la
cathédrale avec les deux captifs. Je pense que les « pinces de
crabe » ont peut-être facilité l’enlèvement, dans une certaine mesure,
mais la manœuvre aurait quand même réussi sans elles. Les sentinelles d’une
ville assiégée, voyez-vous, sont concentrées sur les intrusions venues de
l’extérieur. Et les fuyards, eux, quittaient la ville.
    — De notre côté, repris-je, nous sommes sortis sans
nous presser, avec une tranquille dignité, comme si nous avions à faire en
dehors des murailles. Et ça a marché. Cinq paysans mal fagotés et deux prêtres
traînant un peu des pieds n’avaient pas de quoi émouvoir les gardes qui ne nous
ont lancé au passage qu’un regard distrait. Pour garantir le silence de nos
captifs, une dague pointée dans l’aisselle valait toutes les promesses du
monde.
    — Et vous voici, conclut Théodoric, littéralement
soufflé.
    — Et nous voici, confirmai-je. Permets-moi à présent de
te présenter nos deux saintes prises. Le plus jeune et le plus dodu –
charitablement remplumé par nos soins depuis son arrestation –,

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