Un Monde Sans Fin
marchés.
7. Recettes issues des activités judiciaires – taxes et
amendes générées par les tribunaux.
8. Donations en provenance des pèlerins et autres
fidèles.
9. Vente de livres, d’eau bénite, de cierges, etc.
Elle avait remis cette liste à Philémon, qui la lui avait
jetée au visage d’un air suffisant, sans même prendre le temps de la lire.
Godwyn ne s’y serait pas plus intéressé, mais son amabilité superficielle
l’aurait sans doute porté à remercier Caris pour son aide.
Il en allait de même pour la tenue des livres. Dans ce
domaine, Caris avait introduit au couvent la méthode que lui avait enseignée le
marchand italien Buonaventura Caroli à l’époque où elle aidait son père dans
son commerce de laine. Ce système consistait non plus à rédiger à la suite de
courts rapports concernant chaque transaction, mais à inscrire les recettes sur
la gauche du parchemin et les dépenses sur la droite, et à inscrire le total de
chacune des deux colonnes en bas de page. La différence entre les deux
résultats permettait de savoir d’un simple coup d’œil si le couvent gagnait de
l’argent ou en perdait. Sœur Joan avait adopté cette méthode avec enthousiasme.
Hélas, quand Caris avait proposé à Philémon de la lui expliquer, il avait
refusé tout net, s’offensant, comme à son habitude, qu’elle ose douter de ses
compétences.
Il n’avait qu’un seul talent, le même que Godwyn :
celui de manœuvrer les gens. Avec sa rouerie habituelle, il avait fait le tri
parmi les nouveaux moines. Frère Austin, le médecin aux vues modernes, ainsi
que deux autres brillants jeunes hommes s’étaient vu envoyer à
Saint-Jean-des-Bois, à une distance les empêchant de défier son autorité.
Mais après tout, quelle raison Caris avait-elle de se
tracasser ? L’évêque Henri avait nommé Philémon. À lui d’en assumer les
conséquences ! Par bonheur, ses projets personnels ne risquaient plus
d’être compromis. Kingsbridge était désormais une ville libre, et elle avait
son nouvel hôtel-dieu.
Celui-ci devait justement être consacré par l’évêque le
dimanche de la Pentecôte, sept semaines après Pâques. Quelques jours avant la
cérémonie, Caris déménagea son matériel et ses réserves dans la nouvelle
officine. Il y avait là une table pour les écritures et une paillasse assez
grande pour permettre à deux personnes de travailler côte à côte à la
composition de remèdes.
Caris était en train de préparer un émétique et Oonagh de
réduire en poudre des herbes séchées pendant que Greta, une novice, recopiait
le livre de Caris, quand un jeune garçon entra, chargé d’un petit coffre en
bois. C’était Josiah, un novice que tout le monde surnommait Joshie. Il
paraissait gêné de se trouver en présence de trois femmes. « Où dois-je
poser ça ? » demanda-t-il.
Caris releva les yeux vers lui. « Qu’est-ce que
c’est ?
— Un coffre.
— Je le vois bien, répondit-elle patiemment en songeant
par devers elle que ce jeune garçon avait l’air particulièrement niais, même
s’il était capable d’apprendre à lire et à écrire. Mais que contient-il ?
— Des livres.
— Et pourquoi m’apportes-tu ce coffre rempli de
livres ?
— Parce qu’on m’a dit de le faire. »
Comprenant, au bout d’un instant, que sa réponse manquait de
précision, il ajouta : « Frère Sime.
— Frère Sime m’offre des livres, à
présent ? » s’étonna Caris.
Joshie se sauva sans répondre.
Elle ouvrit le coffre. Il renfermait des ouvrages de
médecine, tous écrits en latin. Le Canon de la médecine d’Avicenne, Du
régime d’Hippocrate, De l’utilité des parties du corps humain de
Galien, et Liber Uriarum d’Isaac Judaeus. Des classiques, tous écrits
plus de trois cents ans auparavant.
Joshie revint, lesté d’un autre coffre.
« Qu’est-ce que c’est, encore ?
— Des instruments médicaux. Frère Sime a dit que vous
ne deviez pas y toucher. Il viendra lui-même les ranger aux endroits qui
conviennent. »
Consternée, Caris lui demanda : « Frère Sime veut
entreposer ses livres et ses instruments ici ? Est-ce qu’il prévoit de
travailler dans mon officine ? »
Bien entendu, Joshie ne savait rien des intentions du moine.
Sur ces entrefaites, Sime entra en personne, accompagné de
Philémon. Sans un mot, il inspecta la pièce et entreprit de déballer ses
affaires. Ôtant d’une étagère les pots que
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