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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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encore profiter de Philippa quelque
temps, c’était déjà ça.
    « Quand comptes-tu repartir ?
    — Tout de suite. »
    En voyant son chagrin, elle ne put retenir ses propres
larmes. « J’en suis si malheureuse moi-même. Las, je le serais plus encore
si je m’offrais à toi pour retourner ensuite auprès de Ralph. J’éprouverais
d’ailleurs ce même sentiment si vous n’étiez pas liés. Le fait que vous soyez
frères ne fait qu’ajouter à l’horreur de la situation.
    — Notre amour s’achève donc maintenant ? dit-il,
les yeux brouillés de larmes. En cet instant précis ? »
    Elle hocha la tête. « Une autre raison empêche que nous
redevenions amants : j’ai confessé mon adultère. »
    Comme il était d’usage chez les femmes de la noblesse,
Philippa avait un confesseur attitré. Depuis qu’elle s’était établie à Kingsbridge,
il logeait avec les moines, enrichissant d’une bonne âme leurs rangs
clairsemés. Ainsi, elle lui avait révélé son aventure. Merthin espéra qu’il
respecterait le secret de la confession.
    « J’ai reçu l’absolution, je ne dois plus succomber à
la tentation. »
    Merthin acquiesça en silence. Philippa avait raison. Ils
avaient tous deux péché. Elle avait trahi son époux, il avait trahi son frère.
Si elle avait l’excuse d’un mariage forcé, lui-même n’en avait pas : une
belle femme l’avait aimé et il l’avait aimée en retour, transgressant
l’interdit. Le douloureux chagrin qui le tenaillait à présent n’était que le
prolongement naturel de son inconséquence.
    Il regarda ces froides prunelles gris-vert, cette bouche
tuméfiée, ce corps mûr à point, et il comprit qu’il les avait perdus à jamais,
si tant était qu’il les ait possédés un jour. Depuis le tout début, ils
évoluaient au sein d’une situation malsaine, désormais c’était fini. Il voulut
parler, lui dire au revoir, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Les larmes
l’aveuglaient. Il tourna les talons. Ayant trouvé la porte à grand-peine, il
sortit de la chambre.
    Une religieuse remontait le couloir, une cruche à la main.
Incapable de distinguer ses traits, il la reconnut à sa voix.
    « Merthin ? Ça va ? »
    C’était Caris. Il poursuivit son chemin, dévala l’escalier
extérieur de l’hospice et traversa la place devant la cathédrale en pleurant à
chaudes larmes, sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Puis il descendit la
grand-rue et s’engagea sur le pont qui menait à son île.

 
80.
    Au mois de septembre 1350, une atmosphère quasi euphorique
régna à Kingsbridge malgré le temps froid et humide : la ville n’avait à
déplorer qu’une seule victime de la peste, une femme de soixante ans du nom de
Marge la Couturière. Dans la campagne alentour, les paysans s’échinaient à
élever des meules détrempées. En octobre, novembre et décembre, pas un seul cas
nouveau ne fut signalé. L’épidémie touchait à sa fin, se réjouit Merthin. Du
moins, pour le moment.
    L’éternelle migration paysanne vers la ville, dont le flux
s’était inversé pendant la peste, reprenait son cours. Des campagnards
entreprenants investissaient les habitations désertées de Kingsbridge, les
remettaient en état et payaient un loyer au prieuré. Certains ouvraient des
commerces – boulangeries, brasseries, fabriques de bougies – qui remplaçaient
les établissements fermés à la mort des propriétaires et de leurs héritiers.
Désireux de simplifier les procédures, le prévôt avait supprimé les
innombrables demandes d’autorisation imposées jusque-là par le prieuré. Quant
au marché hebdomadaire, il était en pleine expansion.
    L’une après l’autre, les boutiques, maisons et tavernes que
Merthin avait fait bâtir sur l’île aux lépreux furent louées, soit à des
commerçants débutant dans le métier mais portés par le désir de réussir, soit à
des commerçants chevronnés en quête d’un meilleur emplacement. La route qui
reliait les deux ponts dans le prolongement de la grand-rue était devenue tout
naturellement une zone marchande privilégiée. Douze ans plus tôt, Merthin avait
été traité de fou quand il avait réclamé ce rocher stérile en paiement d’une
partie de son travail sur le pont ; aujourd’hui, force était de constater
qu’il avait su flairer le vent.
    Avec l’arrivée de l’hiver, un nuage brun recommença à
stagner sur la ville, fumée émanant des milliers de cheminées. Malgré

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