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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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un chagrin.
     
    « Nous sommes deux éléments d'un puzzle, pensa Jean-Louis, et nous nous sommes reconnus, mais nous sommes deux éléments éloignés, deux pièces qui ne vont pas ensemble, dont les contours ne s'ajustent pas, mais qui appartiennent au même assemblage. Il nous reste à chercher patiemment toutes les autres pièces que l'un par l'autre, nous avons devinées. »
     
    Dès cet instant, Margaret cessait d'être imaginable en tant qu'être physique, en tant que corps. Il ne restait d'elle que son enseignement.
     
    Sans elle, Alcobaça n'eût pas marqué de progression. Sa méditation solitaire, devant les gisants, n'aurait fait qu'augmenter l'incompréhension du mystère. Sans Margaret Greenworth, le fantôme ironique de son père aurait fait encore un pas en arrière.
     
    Il ne fit que traverser Paris pour aller jusqu'au train qui, dans la nuit, l'amena à Saint-Chamond où il débarqua par une de ces aubes humides, habituelles au climat de cette région.
     
    La poinçonneuse de billets le reconnut et aida Émile, les yeux gonflés de sommeil, à charger les valises dans la voiture de l'usine.
     
    Revenant aux Cèdres après un mois d'absence, il n'était pas l'homme qui va retrouver ses habitudes, son cadre familier, ses souvenirs ; il lui sembla qu'il allait au-devant de quelque chose de neuf et d'étranger. Certes, rien n'avait changé du paysage entre la gare et la propriété des Malterre. Le mur, le portail aux barres tarabiscotées, les grands arbres, l'allée de tilleuls, le perron étaient tels qu'il les connaissait depuis l'enfance, mais leur vue n'éveillait pas les mêmes images en lui. Il avait le sentiment de les voir à travers d'étranges lunettes et cela venait de ce que la modification était en lui et non pas dans l'aspect des choses.
     
    Émile, en quelques phrases, lui expliqua que tout allait bien, tant à la villa qu'à l'usine, puis il s'informa de son voyage.
     
    - Excellent, répondit Jean-Louis, et ce fut tout.
     
    Aux Cèdres tout le monde dormait encore. Il gagna sa chambre et fit une minutieuse toilette. Autour du petit déjeuner, il retrouva sa mère et sa sœur. Les deux femmes lui parurent presque gaies.
     
    « Est-ce la joie de me revoir ? pensa-t-il avec étonnement, ou est-ce le temps qui, déjà, comble le vide laissé par la mort de mon père ? »
     
    Il trouva sa mère plus jolie.
     
    - Tu as l'air d'être notre sœur aînée, dit-il.
     
    Et il fut stupéfait de constater que ce compliment mettait Camille dans une véritable euphorie.
     
    - Vraiment ? dit-elle, avec un sourire où il y avait de la malice et une sorte de satisfaction.
     
    Puis elle se leva et à pas rapides, en faisant froufrouter une robe de soie mauve qu'il ne lui connaissait pas, elle quitta le salon. Il l'entendit monter l'escalier avec vivacité, comme quelqu'un qui prend plaisir au jeu nerveux des muscles et à l'obéissance parfaite de son corps.
     
    Agnès, qui beurrait un toast, leva la tête et remarqua la surprise de Jean-Louis.
     
    - Maman va mieux, dit-elle, beaucoup mieux.
     
    - Je vois, répondit Jean-Louis, avec une sorte d'amertume.
     
    Plus tard, quand il revit sa mère, il constata plus nettement combien elle s'était transformée. Il avait laissé une veuve soumise à son deuil, silencieuse et douce, il retrouvait une jolie femme dans l'éclat d'une saine maturité.
     
    Il apprit très vite que le notaire de la famille, M e Settier, successeur de M es de Noés père et fils qui avaient vendu les Cèdres au grand-père Malterre, était venu souvent à la maison en son absence pour préparer la succession de Louis Malterre. Le travail n'avait pas avancé beaucoup car, sans Jean-Louis, aucune décision ne pouvait être prise, mais Camille avait eu de longs tête-à-tête avec l'homme de loi.
     
    Jean-Louis, comme son père, n'aimait pas M e Settier. C'était d'ailleurs une antipathie inexpliquée car le notaire assurait au mieux les intérêts de la famille et travaillait discrètement à la satisfaction de tous. Au physique, il passait pour l'homme le plus séduisant de la ville.
     
    Le confort de son célibat, qu'il abritait dans un vieil hôtel particulier richement meublé en Chippendale, avait incité nombre de bourgeois, ses clients, à lui présenter leurs filles à marier. M e Settier, sans être dupe, acceptait les invitations et réussissait généralement en peu de temps, si elle lui plaisait, à séduire la maîtresse de maison, qui avait un

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