Bonaparte
de Bonaparte lors de son mariage avec Joséphine. Il pourrait devenir un brillant second. Napoléon commence par lui faire des avances et, le 28 octobre, en sortant du Théâtre-Français, s’invite à prendre une tasse de café chez l’ancien sergent Bellejambe.
— Il m’a paru content de moi, raconta Bonaparte à son secrétaire. Que pensez-vous de cela, Bourrienne ?
— Mais général, je désire que vous le soyez de lui.
— Non ! non ! J’ai bien fait, soyez-en sûr, ça le compromettra chez Gohier. Souvenez-vous d’une chose : il faut toujours aller au-devant de ses ennemis et leur faire bonne mine, sans cela ils croient qu’on les redoute et cela leur donne de l’audace.
Le lendemain, chez Joseph, au château de Mortefontaine, Bonaparte parle à Bernadotte des maux dont souffre la République.
— Je ne désespère pas de la République, réplique sèchement le futur roi de Suède, et j’ai la conviction qu’elle résistera aux ennemis de l’intérieur et du dehors.
En dépit de cette réponse peu encourageante, Bonaparte décide de récidiver. Quelques jours plus tard, Bernadotte ayant été invité avec sa femme rue de la Victoire, Napoléon le lui répète :
— Changer le gouvernement est nécessaire.
— Il est impossible d’en changer, répliquera Bernadotte.
Le mari de Désirée parti, Bonaparte se précipite dans le cabinet où travaille Bourrienne. Ayant peine à se contenir, il s’exclame :
— Concevez-vous Bernadotte ? Vous venez de traverser la France avec moi ; vous avez vu l’élan que mon retour a causé ; vous m’avez vous-même dit que vous voyiez dans cet enthousiasme, le désir de tous les Français de sortir de la position désastreuse où les ont mis nos revers. Eh bien, ne voilà-t-il pas Bernadotte qui vante, avec une ridicule exagération, la situation brillante et victorieuse de la France ! Il m’a parlé des Russes battus, de Gênes occupé, d’innombrables armées qui se lèvent partout... Que sais-je encore ?... C’est un tas de balivernes !
— Je ne comprends rien à cette exagération, répond Bourrienne. Vous a-t-il parlé de l’Égypte ?
— Ah ! vous m’y faites penser. Ne m’a-t-il pas reproché de n’avoir pas ramené l’armée avec moi !... Mais, lui ai-je répondu, vous venez de me dire que vous regorgiez de troupes, que toutes vos frontières étaient assurées, que des levées immenses se faisaient, que vous auriez deux cent mille soldats, quarante mille hommes de cavalerie ! S’il en est ainsi, à quoi vous auraient servi, en France, quelques milliers d’hommes de plus, qui peuvent servir à conserver l’Égypte ? Il n’y avait rien à répondre à cela. Alors, cet homme tout fier d’avoir été ministre de la Guerre, a eu le front de me dire qu’il les considérait comme perdus. Il a fait plus, il a laissé percer des intentions !... Il a parlé d’ennemis extérieurs, d’ennemis intérieurs ; en disant ces derniers mots, il m’a regardé ; j’ai moi-même laissé échapper un regard !... Mais, patience, la poire sera bientôt mûre !... Vous connaissez Joséphine, sa grâce, son adresse ; elle était dans le salon. Le regard investigateur de Bernadotte ne lui a point échappé, elle a détourné la conversation. Bernadotte a vu à ma contenance que j’en avais assez et il est parti. Allons, je vous laisse travailler, je retourne auprès de Joséphine.
La douce créole a mis son charme au service de ceux que l’on appellera les brumairiens. Lorsque les conspirateurs ne prennent pas leur repas chez Rose – le restaurateur qui a mis sa carte à l’envers – elle les reçoit chez elle, attire rue de la Victoire certains indécis qu’il faut gagner, organise des rencontres, ménage des apartés, arrondit les angles, endort la méfiance de ceux – tel Gohier – dont on peut craindre les réactions. Cependant, vers quatre heures, elle reçoit son soupirant et déploie, pour lui, sourires, zézaiement et yeux doux, espérant toujours l’amener à rejoindre les conjurés. Mais le Directeur ne devine rien, et lorsqu’un jour Fouché arrive rue de la Victoire, il entend Gohier lui demander :
— Quoi de neuf, citoyen ministre ?
— De neuf, rien en vérité, rien.
— Mais encore ?
— Toujours les mêmes bavardages !
— Comment ?
— Toujours la conspiration !
— La conspiration ? demande Joséphine, jouant l’étonnée.
— Oui, la conspiration, explique Fouché en riant sous cape, mais je sais à quoi m’en
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