Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
décida
que les deux premiers princes seraient distingués par le diadème et par le
titre d’ Auguste ; qu’ils choisiraient, selon les mouvements de leur
affection ou de leur estime, deux collègues subordonnés qui les aideraient à
supporter le poids du gouvernement, et que les Césars, élevés à leur tour à la
première dignité, fourniraient une succession non interrompue d’empereurs. La
monarchie fut divisée en quatre parties. Les départements honorables de
l’Orient et de l’Italie jouissaient de la présence des Augustes ; la garde
pénible du Rhin et du Danube était confiée aux Césars. Les quatre souverains
disposaient de la force des légions ; et l’extrême difficulté de vaincre
successivement quatre rivaux formidables devait intimider l’ambition d’un
général entreprenant. Dans le gouvernement civil, les empereurs étaient
supposés exercer en commun le pouvoir indivisible de la monarchie ; les
édits signés de leurs noms avaient force de loi dans toutes les provinces, et
paraissaient émanés de leurs conseils et de leur autorité. Malgré toutes ces
précautions, l’on vit se dissoudre par degrés l’union politique de l’univers
romain, et il s’introduisit un principe de division qui, au bout d’un petit nombre
d’années, causa la séparation perpétuelle des empires d’0rient et d’Occident.
Le système de Dioclétien renfermait un autre inconvénient
très essentiel, qui, même à présent, n’est pas indigne de notre attention. Un
établissement plus dispendieux entraîna nécessairement une augmentation de
taxes et l’oppression du peuple. Au lieu de la suite modeste d’esclaves et
d’affranchis dont s’était contentée la noble simplicité d’Auguste et de Trajan,
trois ou quatre cours magnifiques furent établies dans les différentes parties
de l’empire, et autant de rois romains cherchèrent à se surpasser par leur
somptuosité, et à éclipser le faste du monarque persan. Le nombre des
magistrats, des ministres et des officiers qui remplissaient les charges de
l’État, n’avait jamais été si considérable, et (si nous pouvons emprunter la
vive expression d’un auteur contemporain) lorsque la proportion de ceux qui
recevaient excéda la proportion de ceux qui contribuaient, les provinces furent
opprimées par le poids des tributs [1211] .
Depuis cette époque jusqu’à là ruine de l’empire, il serait aisé de former une
suite de clameurs et de plaintes ; chaque écrivain, suivant sa religion ou sa
situation, choisit Dioclétien, Constantin, Valens ou Théodose, pour l’objet de
ses invectives. Mais ils s’accordent tous à représenter le fardeau des
impositions publiques, principalement de la capitation et de la taxe sur les
terres, comme une calamité intolérable et toujours croissante, particulière au
temps où ils vivent. D’après cette conformité, un historien impartial, obligé
de tirer la vérité de la satire aussi bien que du panégyrique, sera disposé à
distribuer le blâme entre tous ces princes ; il attribuera leurs exactions
bien moins à leurs vices personnels qu’au système uniforme de leur gouvernement.
A la vérité, Dioclétien est l’auteur de ce système ; mais pendant son
règne le mal naissant fut contenu dans les bornes de la discrétion et de la
modération, et il mérite le reproche d’avoir donné un exemple pernicieux plutôt
que celui d’avoir opprimé ses sujets [1212] .
On peut ajouter que ses revenus furent administrés avec une prudente économie
et qu’après avoir fourni à toutes les dépenses courantes, il restait toujours
dans le trésor impérial des sommes considérables pour satisfaire à une sage
libéralité ou aux besoins imprévus de l’État.
Ce fut la vingt et unième année de son règne que Dioclétien
exécuta le projet de descendre du trône : résolution mémorable, plus
conforme au caractère d’Antonin ou de Marc-Aurèle qu’à celui d’un prince qui,
dans, l’acquisition et dans l’exercice du pouvoir suprême, n’avait jamais
pratiqué les leçons de la philosophie. Dioclétien eut la gloire de donner le
premier à l’univers un exemple [1213] que les monarques imitèrent rarement dans la suite. Si pour nous Charles-Quint
vient ici se présenter naturellement en parallèle, ce n’est pas seulement
parce, que l’éloquence d’un historien moderne a rendu ce nom familier à tout
lecteur anglais, c’est aussi un effet de la ressemblance frappante qui a
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